« C’est hyper difficile d’en parler avec d’autres gens parce que les autres essaient de me donner des conseils ou des clés pour que je réussisse à avoir une meilleure relation avec mon père, alors qu’en ce moment j’ai juste envie de ne pas avoir de relation avec lui ». En décembre dernier, dans le podcast Quatre quarts d'heure, la DJ Louise Petrouchka confiait avoir coupé les ponts avec son père. Une décision difficile à prendre parce qu'il « n'était pas violent physiquement mais lui envoyait des textos rabaissants ».

 

Alors qu’on apprend progressivement à poser ses limites, la question de la famille et de la place qu’elle prend dans nos vies est amenée à se poser.

 

 

Se détacher de la norme de la famille nucléaire

 

La famille nucléaire, c’est ce “noyau”, cette structure fondée sur la notion de couple - le plus souvent hétérosexuel - qui aboutit à la procréation, puis à la création d’un nouveau foyer par les enfants lorsqu’ils deviennent parents.

 

C’est autour de ce noyau que s’est construite notre société occidentale, avec son lot de normes, d’exigeances… Et d’impératifs qu’on se fixe avec ce modèle en tête. « Je suis arrivée à un stade de ma vie où je me suis dit qu’il fallait que je prenne de la distance avec les gens avec qui j’ai grandi, qui m’ont inculqué des principes et des valeurs qui font aujourd’hui qui je suis, explique Daphna, qui a coupé les ponts pendant de longs temps avec ses parents. Quand tu remets en question tout ça à trente ans, tu te questionnes même toi-même, est-ce que je vais vraiment faire ça ? Tu sais que c’est pas mal, mais tu sais que c’est hors-norme, les gens qui coupent les liens avec leur famille et qu’indéniablement, il y a des moments de gêne ».

 

La toxicité du parent n’est pas toujours aussi criante que celle de Frank Gallagher dans Shameless ou de Dan Scott dans One Tree Hill et peut être plus insidieuse, ou réalisée des années après. Preuve en est avec le compte Instagram Parents Toxiques (60 000 abonné·e·s) qui relaie les témoignages de celles et ceux qui tentent de se reconstruire et d’échanger à ce sujet, en brisant la norme de la proximité et de la complicité avec leurs géniteurs.

 

 

Une famille choisie

 

« Je fais de plus en plus Noël avec mes potes. C’est eux que je vois le week-end. Chez eux que je mange mon poulet le dimanche, c'est avec leurs enfants que je m'investis, plutôt que mes propres neveux et frères et sœurs » raconte Raphaël qui, à 37 ans, n’a jamais franchement coupé les ponts avec sa famille, mais s’est plutôt éloigné au fil du temps. « Je suis dans une famille dans le déclin où personne n’a pris la responsabilité de reprendre le flambeau après la mort de mes grands-parents. Il n'y a pas d' animosité (quoique) mais juste un déclin naturel de la famille de sang ».

 

L’éclatement de la famille nucléaire, c’est un sujet que la sociologue Jade Almeida aborde dans son cours L'évolution des familles : l'échec de la famille nucléaire. Elle explique que “la structure familiale peut prendre énormément de modèles”, et rapporte une évolution du concept même de famille. Une vision qui appelle à être réinventée aujourd’hui, quand on sait que le mariage par amour est une notion apparue seulement dans les années 1960. « Comment peut-on remédier à l’échec de la famille nucléaire ? » interroge-t-elle, citant notamment l’augmentation du sentiment d’isolation chez les populations.

 

 

Relire son histoire

 

Pour les victimes de violences, Ariane Calvo, l’auteure du Manuel d’autodéfense contre les violences psychologiques (First, 2020) considère que relire son histoire est la première clé d’autodéfense : elle invite à prendre conscience et parler de ce qui a été vécu dans l’enfance, se faire accompagner, tenter de comprendre « en quoi ces violences psychologiques ont constitué des violences, et quelles sont leurs conséquences aujourd’hui ».

 

Il s’agit pour la psychothérapeute de montrer que l’on peut accepter que ces violences ne soient pas liées à des “défaillances personnelles” ou à des efforts insuffisants mais bien “le résultat d’altérations émotionnelles et cognitives”. Et si vous souhaitez consulter, voici une liste de professionnel·le·s safe, juste au cas où.


Manon Merrien-Joly