Comment rester soi-même quand on est en couple ?
it’s all about balance babe
Vous avez déjà entendu un·e pote s’exclamer, après une rupture amoureuse : “Putain quel soulagement, j’ai l’impression de me retrouver !” ? Nous oui, et pas qu’une fois. On aurait presque l’impression que pour certain·es, le couple -qu’il soit hétéro, queer, exclusif ou ouvert-, ça fait sacrément perdre le Nord de ce qu’on aime, de ce qu’on veut… bref, de qui on est. Donc on est allées démêler, entre psycho et injonctions sociales, et avec l’aide d’un pro, ce qui peut causer cette vibe. Et surtout : comment l’esquiver.
Se connaître, la base
Au risque de trigger des souvenirs de la philo en terminale, pour savoir comment rester “soi-même”, faut déjà définir le concept. A notre humble avis, notre self est un combo de traits de caractères, de centre d'intérêts, d’envies (un endroit où on veut habiter, une pratique qu’on veut tenter…), de valeurs (à tout hasard, le féminisme…), de limites (ce qui nous met mal), et de l’histoire qui a forgé tout ça. Ces composants bougent toute notre vie. Cool, ça veut dire qu’on a jamais complètement fini de se découvrir.
Mais on garde toujours des éléments qui contribuent à notre bien-être (genre vous adorez le basket parce que ça défoule votre personnalité très énergique). Se poser régulièrement des questions sur notre situation, tenir un journal, ou suivre une thérapie, ça permet de faire le point sur nous-même à un instant T et de savoir ce qu’on veut conserver quand on entre dans une relation.
Comprendre pourquoi on se paume
By the way, pourquoi autant de gens s’égarent quand ielles sont en couple ? Certaines personnalités sont plus touchées que d’autres, comme l’explique le psychologue clinicien et psychothérapeuthe Patrice Levy, habitué à traiter des couples. Du style, les personnes dont les désirs n’ont pas été assez valorisés dans l’enfance et qui vont se calquer sur les attentes des autres, qui ont très peur de l’abandon, ou qui voient l’amour de quelqu’un·e d’autre comme the validation ultime, donc qui sont prêt·es à des grosses concessions pour l’obtenir.
Quand il y a attachement, c’est souvent complexe de trouver un équilibre entre s’investir dans la relation et préserver ses envies qui ne matchent pas toujours avec. Mais il n’y a pas que la psycho qui joue : à tout hasard, quelle partie de la population est conditionnée à faire attention aux autres, à prendre sur elle la charge mentale, émotionnelle, et à réfréner ses désirs, ses ambitions ? Les femmes, duh.
« Souvent dans les exemples qu’on voit dans la thérapie de couple, la femme a tendance plus que l’homme à mettre ses désirs de côté et à vouloir combler les désirs de toute la famille (les enfants et le mari) et à se mettre un peu entre parenthèse ». Le psychologue précise que cette dynamique se retrouve chez de nombreux hommes hétéros et dans des couples queers : on peut toustes être touché·es.
Repérer et gérer un déséquilibre
Apprendre à spotter les déséquilibres qui nous détournent de nous-même dans une relation peut aider à les corriger, où à se casser si c’est peine perdue. « Si c’est toujours la même personne qui décide, c’est inégal. Ou par exemple, un homme qui dirait à sa femme "Tu devrais changer de coiffure, tu devrais porter des jupes, tu devrais maigrir"… La personne peut dire "J’aime beaucoup quand tu es en jupe", mais pas s’imposer pour faire changer l’autre, qui va sentir que l'amour est conditionnel. Là, il y a une dynamique toxique ».
Ici ou dans des cas plus subtils, le meilleur plan reste de communiquer sur son malaise : « On a tout à gagner à en parler. Même si effectivement, le risque c’est de pas satisfaire l’autre, de clasher ». Généralement, pour allier notre couple à nos envies profondes, la communication sincère, c’est la base : « Il faut que chacun puisse avoir une parole qui est respectée, reconnue et valorisée ».
Accepter la joie du changement
Maintenant qu’on a dit ça, nuance : bien sûr que nos relations avec les autres, et pas que les couples, nous influencent et nous transforment. S’opposer farouchement au changement -ou à l’évolution- peut aussi être toxique. « Évidemment il y a de la dépendance et de l’attachement qui se créent, c’est incontournable. Il faut en avoir conscience justement pour pouvoir l’aménager, que ça ne soit pas trop étouffant et que chacun y trouve son compte ».
S’ouvrir aux autres, c’est aussi ouvrir ses perspectives : « Parfois, on se découvre aussi dans le couple et on découvre son propre désir. L’autre nous aide à nous comprendre et à nous révéler. Donc ça peut passer par l’autre, mais sans pour autant que ça prenne une telle ampleur que notre désir ne passe QUE par l’autre ». À côté de ça, on évolue aussi en dehors de notre couple, et c’est normal.
Valoriser l’indépendance…
Vous avez capté : le sponsor de cet article, c’est l’équilibre. Un concept parfois galère à apprivoiser, ce qui nous amène à un élément essentiel : l’indépendance. Déjà en général, si on arrêtait de valoriser le couple traditionnel comme la source unique du bonheur (surtout pour les femmes), ça encouragerait les gens à choisir ce mode de relation parce qu’ielles le veulent vraiment et pas pour matcher avec la norme, donc avec moins de risques de se paumer dans le process. Donc ré-affirmons que le célibat, les amitiés, les hobbies ou les jobs sont des sources tout aussi légitimes d’épanouissement.
Même au sein des couples, ne pas construire son bonheur uniquement autour de la relation est un bon plan : « Plein de gens abandonnent leurs loisirs (jouer d’un instrument, dessiner, faire du sport…) parce que leur couple prend beaucoup de temps. Ils finissent par abandonner les choses dans lesquelles ils s'épanouissent énormément. C’est dommage ! Et une frustration peut s’installer ». déplore Patrice. Pour résumer : « La relation, c’est pas être complètement dévoué à l’autre. C’est important d’imaginer ça comme une troisième personne, quelque chose qu’on construit, un équilibre qu’on crée, et dans lequel on est tous les deux responsables, qu’on fait avancer et où prend du plaisir ».
…et les rêves en duo
Of course, se concentrer exclusivement sur son indépendance n’est pas idéal pour construire une relation à deux. Et aucun problème à ça, foncez dans le célibat si c’est votre vibe. Mais si on veut tenter un couple tout en préservant son mood et ses ambitions, un outil peut s’avérer très utile : « Dans les couples, il y a aussi besoin de rêver ensemble. Développer des espoirs, des espérances, des ambitions, à deux, c’est très important. Parce que si on se cale seulement sur les désirs de l’autre, on se laisse plus rêver. Alors que ça devrait construire la relation ».
On ne sait pas pour vous, mais dans notre monde de 2022 qui part en cacahuète dans tous les sens, cette notion de rêve en duo, ça nous fait bien kiffer. « Le rêve, c’est un espace entre les exigences de la réalité et ses désirs profonds, l’intérieur et l'extérieur. Et si on arrive à le co-construire, à l’avoir avec un autre, on a vraiment un espace qui est en même temps de liberté, et aussi à deux ».
Claire Roussel