On se refait le film ? 

Pour celleux qui auraient loupé l’épisode 1 de cette chronique, je ne peux que vous recommander d’aller la lire. Est-ce que c’est parce que j’ai la flemme de vous la résumer ? Un peu, ouais. 

Donc pour vous la faire courte : j’expliquais l’année dernière que j’avais enchaîné les relations sans jamais m’arrêter pendant 15 ans (j’en avais 30), et que j’ai donc quitté mon amoureux pour faire ce choix singulier et inédit de me choisir moi-même. 



Solo ou pas solo, that is the question

J’expliquais l’an passé que j’avais beaucoup de mal à être seule. J’expliquais aussi que depuis ma rupture je “batifolais” dans tous les coins. Et à tout bien y penser, je me dis : étais-je vraiment seule du coup ? Étais-je vraiment seule quand, profitant de mon récent célibat, je flânais toute la soirée sur des applis de rencontres à chercher le frisson (au mieux) et la validation (au pire) d’hommes et de femmes que je trouvais dignes de mon intérêt ? 

Ce que j’imaginais de la capacité à ‘être seule’, c’était de pouvoir me lever le matin en n’ayant que moi à penser (j’entends par-là : pas entretenir une relation de couple de type fusionnelle qui occuperait tout mon espace mental). 

Mais spoiler : passées les peines (c’était une rupture quand même) et l’euphorie (c’était libérateur quand même) que ma rupture de l’an passé m’a procurée, je me suis remise, instinctivement, à chercher à ne pas être seule.



Du célibat au pourquoi pas

Au début, je croyais juste que je voulais plaire. Et je ne trouve à ça rien d’illégitime : c’est cool de vouloir se sentir bien dans son corps, d’avoir envie que quelqu’un·e d’autre l’aime. 

Mais très rapidement, pour une raison que j’ignore, chacune de mes aventures répétait un pattern similaire. C’est-à-dire qu’avec chacun des partenaires avec qui j’ai eu une (plus ou moins brève) histoire mêlée de conversation et de sexe, il y a eu un inéluctable moment où nous nous sommes dit : je t’aime. 

Et bien sûr que je trouve ça beau. Mais je ne peux pas m’empêcher, dans ces conditions, de me questionner sur ce que je cherche dans mes relations, même quand je crie sur tous les toits que je veux enfin être seule et être le centre de mon propre monde.

Bref : à quoi bon quitter quelqu’un que l’on aime en prétextant vouloir tomber amoureuse de soi, si c’est pour finir par dire je t’aime à quelqu’un d’autre quelques semaines après ? 



Le cataclysme de la rencontre

En pleine dissonance cognitive : je pense sincèrement que c’était l’état d’esprit dans lequel j’étais quand j’ai rencontré R., quelque temps après avoir quitté mon précédent amoureux (que j’aimais toujours).

Ce qui est marrant, c’est que j’avais déjà rencontré R. trois années auparavant - et que ce soir-là, nous n’avions pas vraiment pu nous rapprocher car j’étais littéralement entourée par mes deux précédents partenaires (je suis polyamoureuse, pour rappel). 

Bref : je retombe sur R. sur OkCupid et une semaine plus tard je lui propose de venir chez moi boire un verre. Vous me voyez venir ? 6 heures plus tard, il me disait qu’il m’aimait. Moi, j’étais plus frileuse évidemment. 

Mais je suis quelqu’un qui aime l’intensité, qui aime les personnes qui ne ressemblent à personne. Alors nous nous sommes revus, 1 fois, 2 fois, 3 fois, 10 fois. C’était doux, c’était bien. C’était mieux que la solitude que j’étais censée chercher mais dont je ne connaissais pas les bénéfices et (surtout) la nécessité. 

En un rien de temps, j’ai donné les clés de mon appartement à R. Nous nous sommes vus chaque soir pendant des semaines. Je renonçais à dire que nous étions en couple. Je voulais continuer de batifoler. Et j’avais l’impression d’avoir trahi mon précédent amoureux, que j’avais soi-disant quitté pour mieux tomber amoureuse de moi-même. 



Chassez le problème, il revient au galop

Dans le fond, je le savais : j’étais amoureuse mais je ne pouvais pas, cette fois-ci, me sacrifier pour la relation que je construisais avec R.

Évidemment, nos profils étaient diamétralement opposés : il n’avait pas été en couple depuis 6 ans et avait eu tout le temps du monde pour profiter de sa liberté sexuelle. Il savait être seul et cherchait en moi une manière de ne plus l’être. C'est-à-dire exactement le contraire de ce que je pouvais lui donner. 

Alors les disputes ont commencé. Et je comprends mieux, avec le recul, que ce qui le blessait si profondément, c’était de savoir que je ne voulais pas le choisir puisque j’avais malgré tout décidé que je me ferais passer en premier. 

Pourtant, il fallait bien l’avouer : nous étions un couple, un vrai. Et dans les meilleurs moments, j’adorais ça. Mais il y avait aussi quelque chose en moi qui hurlait et qui voulait fuir.



Comment te dire adieu 

Est-ce utile de préciser qu’en plus de tous ces tourments (je suis polie), je continuais d’entretenir une relation ambigüe avec le partenaire que j’avais quitté à la base, et un autre pour qui j’avais de sérieux sentiments ? 

Ouais, on peut le dire : j’ai le don de me mettre dans des situations inconvenantes.

Ce totem de problématiques relationnelles, je ne pouvais pas le gérer. Tout simplement parce qu’il absorbait tout l’oxygène dont j’avais besoin pour savoir qui j’étais, pour prendre soin de moi. À nouveau, je me retrouvais face à un dilemme de l’extrême : choisir ma relation, ou bien me choisir. 

Comme je ne savais pas comment m’y prendre (et qu’avec R., on ne faisait que s’engueuler), j’ai pris sur un coup de tête un billet pour partir au Maroc, début janvier. Là-bas, à 2000 kilomètres de ceux qui occupaient ma tête et mon cœur, je l’ai trouvée : cette sensation délicieuse de liberté assaisonnée de solitude choisie. Mieux encore : il se trouve que je suis partie avec, dans mes bagages, le génial À propos d’amour de bell hooks. 

Je suis rentrée sept jours plus tard avec l’intime conviction que je pouvais mieux m’aimer et concilier cette quête avec le fait de prendre soin de mes relations romantico-sexuelles. Bref : je suis partie, et quand je suis revenue, c’était pour mieux rester. 



Et ça recommence, et ça recommence

Pour une raison que je vous raconterais sans doute dans une prochaine chronique (stay tuned), je me suis retrouvée hospitalisée deux mois (pas de suite) cette année. Et à chaque hospitalisation, le pattern a été le même : je suis tombée amoureuse d’un autre patient de mon unité de soins.

Le rapport avec le reste ? C’est peut-être avec ma psy que j’ai appris à en dessiner les contours au crayon. Déjà (et c’est déterminant), je souffre d’un Trouble de la Personnalité Borderline (google it), ce qui n’est évidemment pas pratique pour entretenir des relations sans s’investir au point de (parfois) se noyer. Ensuite, il faut remarquer que je fuis en permanence ma propre compagnie : je cherche désespérément à me perdre en les autres.  

Mais pour en revenir à R., il est devenu évident (pour lui comme pour moi), qu’il fallait que nous nous quittions. Car je lui faisais trop de peine. Car je n’y trouvais pas mon compte.

Alors voilà : tout comme je le disais l’an passé au sujet du partenaire que j’avais quitté, il reste, au-delà de cette décision, une délicate ambiguïté. Du sexe, du romantisme, de la peur de ne pas savoir comment se positionner.



J’aimerais m’aimer assez

J’aimerais m’aimer assez. J’aimerais m’aimer assez pour ne pas chercher désespérément en les autres ce que je pourrais sans doute trouver en moi. J’aimerais m’aimer assez pour ne pas avoir à blesser des partenaires très chouettes et bien intentionnés - juste parce que je veux d’abord être “la meuf parfaite” tout ça pour finir en un “j’étouffe, laisse-moi respirer, je vais me barrer.”

S’il devait y avoir une conclusion à tout ça, c’est que je crois que je finirais toujours par quitter des partenaires que j’aime si je n’arrive pas à me saquer. Et que je dois donc tenir bon, tenir bon, apprendre à être seule et apprendre à savoir m’aimer sans avoir besoin de l’amour d’un·e autre comme validation de ma propre valeur.

Pour l’instant, je suis seule. Mais j’entretiens des relations ambigües avec R., ainsi qu’avec mon amoureux de l’an passé, un autre partenaire dont je suis sérieusement entichée, mais aussi les deux crushs de mes hospitalisations que je n’arrive pas à oublier. Donc bon. Puis-je vraiment dire que je suis seule ? La suite au prochain épisode. 
 

Sarah