4 trucs que Simone de Beauvoir nous a appris
"Exister, c'est oser se jeter dans le monde."
Le Deuxième Sexe ? Vous l’avez peut-être déjà sur une étagère de votre bibliothèque… avec un marque-page coincé à la page 28 depuis 3 ans (#jamaisfini). Si vous vous reconnaissez dans cette description, vous devriez sur-kiffer le petit OVNI pop et philo de l’allemande Julia Korbik : 250 pages de cool pour voir Beauvoir autrement et apprendre à penser, aimer, lutter et rire avec la jeune fille la moins rangée du 20ème siècle. Polyamour, militantisme, travail, passion, et vie d’artiste : ci-joint 4 choses que Beauvoir (aka Castor pour les intimes) nous a apprises.
"Je suis venue pour rester"
Dans son livre, Julia Korbik nous explique que Simone a un effet magique sur elle : chaque fois que l’autrice a du mal à se mettre au travail, il lui suffit de lire les mémoires de Simone pour regagner 100 points de motivation. Pour elle, il n’y a rien de mieux qu’un Beauvoir pour vous donner des ailes et du courage pour vous battre pour vos rêves.
Et c’est tout l’objet du premier chapitre de Oh Simone ! : suivre la trajectoire de Simone durant ses premières années, et les chemins (souvent difficiles) qu’elle emploie pour devenir elle-même. Parce qu’à l’époque, vouloir faire des études, travailler, et refuser de se marier = carrément un scandale. On taxe Beauvoir d’avoir “un cerveau d’homme” (-_-) ou encore de “renier sa classe et son sexe”. Mais Beauvoir s’en fout : elle sait ce qu’elle veut, ce qu’elle ne veut PAS, et se donne les moyens de l’obtenir. Évidemment, elle vient d’un milieu privilégié (#bourgeoisie) et ça aide. Mais quand même, potentiel disruptif : + 1000
La phrase à retenir : “Je me suis entraînée dans ma jeunesse à me foutre de l’opinion”.
De l’importance d’avoir un·e role model (et de reconnaître ses erreurs)
À l’époque de Simone, les modèles de femmes intellectuelles sur lesquels se projeter étaient extrêmement rares. Mais Beauvoir avait quand même besoin d’un role model pour avancer (et y croire). Pour elle, pas de Billie Eilish ou de Rokhaya Diallo : celle qui l'inspire est la toute première “femme docteure” en philosophie française aka Léontine Zanta.
On découvre également dans le livre de Julia Korbik que Simone n’a pas toujours été la personne militante qu’on connaît au 21ème siècle. Loin de là ! En témoigne sa première rencontre avec Simone Weil dans les années 20, pendant son agrégation de philosophie : Korbik nous raconte comment Beauvoir se fait cataloguer par Weil de “petite bourgeoise spiritualiste” (#çafaitmal).
De même, il faudra de très longues années avant que Beauvoir ne se considère ouvertement comme étant “féministe”. Et c’est d’ailleurs quelque chose qu’on lui reprochera souvent par la suite. Comme quoi : chacun·e son rythme. ;)
La phrase à retenir : “Je manquais de méthode et de perspectives; l’univers intellectuel était pour moi un vaste fatras où je me dirigeais à tâtons.”
Devenir une artiste (et vaincre les obstacles et les doutes)
D’une façon ou d’une autre, la lutte a été au coeur de la vie de Beauvoir et c’est l’objet du quatrième chapitre de Oh Simone ! Julia Korbik y évoque les obstacles qui se dressent sur le chemin de Simone - en tant que femme, en tant que militante et en tant qu’artiste.
Parce que vouloir réussir dans un monde masculin, c’est se battre deux fois plus : non seulement pour créer sa place, mais aussi pour déconstruire celle que le monde tente de nous imposer (coucou le patriarcat). Un parcours de vie (malheureusement) toujours autant d’actualité aujourd’hui (#syndromedelimposteure).
Autre truc qu’on a bien aimé : le récit par Julia Korbik d’une journée classique de travail pour Simone de Beauvoir : “elle se lève entre huit et neuf heures, puis quitte sa chambre d’hôtel pour rejoindre l'un de ses cafés de prédilection (...). Elle y commande un café, lit le journal, et se met au travail vers dix heures en commençant par relire ce qu’elle a écrit la veille. (...) À treize heures elle rejoint Sartre et/ou des ami·es pour déjeuner. Elle écrit ensuite jusqu’à neuf du soir environ (...).” Et ainsi de suite. Chaque jour. Simone est l’allégorie de l’artiste qui a une routine de création qui tient la route (on en prend de la graine).
La phrase à retenir : “Les femmes elles-mêmes, dans la mesure où elles tentent quelque chose, ne le tentent pas avec la même audace, avec le même espoir que les hommes. Elles partent battues d’avance parce qu’elles savent que la société ne leur donnera pas leur chance.”
Savoir rester libre
Raconter les amours de Beauvoir, c’est… comment dire ? Pas évident. Mais Julia Korbik a du talent et nous dégaine un chapitre visionnaire et chanmé sur le parcours polyamoureux de la badass Simone. Ce qu’on en retient, et ce que ça nous inspire :
1/ Simone a un vrai coeur d’artichaut. Et c’est plutôt marrant et chouette de voir Julia Korbik éplucher les écrits de jeune adulte de Beauvoir (où elle passe son temps à parler de son crush de l’époque).
2/ Simone a refusé plusieurs fois de se marier avec Sartre. Il a bien essayé de lui passer la bague au doigt, mais rien à faire : elle voulait garder sa liberté. On a beau jeu de nous faire croire aujourd’hui que Sartre était le plus visionnaire des deux.
3/ Simone est tombée amoureuse de nombreuses fois dans sa vie. L’une de ses relations poly les plus célèbres est celle qu’elle a entretenu avec Nelson Algren, un écrivain États-Unien. On vous recommande chaudement leur correspondance (attention, ça pèse lourd).
4/ Simone était dans un ménage à trois qui a mal tourné et en a fait un roman. Ça s’appelle avoir du culot, pour son époque.
5/ Simone a passé sa vie a parcourir le monde. Une fois de plus : ça l’a bien aidée d’en avoir les moyens (financiers). Mais il n’empêche que pour son époque, ça n’était pas banal de voyager autant (et parfois seule/avec un amant !).
La phrase à retenir : “Si vous voulez savoir exactement à quel point je vous aime, faites le calcul du nombre de signes utilisés par moi: combien de a, combien de b, etc. Prenez ce chiffre, multipliez-le par 10 345, et vous obtiendrez approximativement le nombre de baisers que j’aimerais vous donner pendant ma vie.” (non mais Simone, trop mignonne).
Par ailleurs, et pour info, Simone a eu des comportements et propos problématiques dans le cadre de sa relation ouverte avec Sartre. Entre autres : une relation avec une de ses élèves (mineure) lorsqu’elle était enseignante à Rouen qui lui a valu de perdre son poste de prof’. C’est important de le dire, parce que Beauvoir n’était pas une sainte : on vous laissera lire Oh Simone ! pour en savoir plus.
Point bo-bo-bonus
On a beaucoup aimé cet entre-deux pages de Julia Korbik qui résume chacun des romans de Simone en une phrase et en un hashtag. Alors on s’est dit : quoi de mieux pour réactualiser votre plan de lecture pour l’été ? Servez-vous dans les mots de l’autrice, ci-dessous :
L’Invitée (1943) : un ménage à trois malheureux dans le Paris des années 30 (#adeuxcestmieux)
Le Sang des autres (1945) : grâce à l’amour et à la résistance, une individualiste convaincue découvre la solidarité (#ensemblecesttout)
Tous les hommes sont mortels (1946) : un homme immortel cherche un sens à sa vie (#boncourage)
Les Mandarins (1954) : errements de l’intelligentsia parisienne des années 1940 (#prixGoncourt!)
Les Belles Images (1966) : une femme moderne à la recherche d’elle-même (#quisuisjeouvaisje)
La femme rompue (1969) : (vieilles) femmes au bord de la crise de nerfs (#quandestcequeçasarrete)
Quand prime le spirituel (1979) : (jeunes) femmes au bord de la crise de nerfs (#Imnotagirlnotyetawoman).
Oh Simone ! de Julia Korbik, traduction Julie Tirard aux éditions La Ville Brûle. À découvrir juste ici.