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7 poèmes de cul et d’amour à sexter ou à lire sous la couette
Dimanche poésie
Parler de sexe et d’amour sans langue de bois et avec poésie ? C’est souvent plus facile à dire qu’à faire. À part pour ces 5 autrices de talent, qui ne mâchent ni leurs mots ni leurs fantasmes, et dont on a décidé de vous parler aujourd’hui en mettant leurs plus beaux textes à l’honneur. Au programme de votre dimanche : 7 poèmes de cul et d’amour à sexter à votre partenaire / votre dernier crush ou à vous envoyer comme une gourmandise en scrollant sous la couette. Attention frissons ! 😏
Allô la poésie ?
On ne s’avance sûrement pas trop en vous disant que quand il est question de poésie, on pense plus facilement à Victor Hugo ou à Paul Éluard qu’à Lenore Kandel ou Margaret Atwood. Suffit de jeter un œil à vos anciens programmes scolaires pour vous en rendre compte : les poétesses, on n’en parle tellement pas, qu’on croirait presque qu’il n’y en a jamais eu. Avant de passer à la lecture, on vous présente ?
Margaret Atwood, vous la connaissez peut-être déjà pour son roman La Servante Écarlate (aka The Handmaid's Tale, qui fait un carton en série). Cette autrice canadienne a pourtant fait son entrée dans le game de la littérature en publiant des poèmes inspirés de sa vie quotidienne, de ses angoisses et de ses amours, au beau milieu de l’année 1968. On vous propose de découvrir aujourd’hui son poème De plus en plus (aka More and more).
Lenore Kandel est l’une des poétesses les plus géniales et les plus injustement oubliées de la Beat Generation. Pas étonnant puisqu’on ne se souvient aujourd’hui que des hommes cis qui ont pris part au mouvement (#Kerouac). Son recueil de poésie, publié sous le titre original de The Love Book, part de sa vie quotidienne : de ses désirs sexuels assumés et sublimés, à ses problématiques d’addiction. On vous propose aujourd’hui de découvrir un extrait de son poème Baiser Avec Amour (aka To Fuck With Love). Malheureusement, nous n’avons pas pu respecter la mise en page originale !
Suzanne Rault-Balet est une poétesse millennial pur-jus : artiste, comédienne et photographe, elle observe le quotidien avec un œil aiguisé et poétique, et décortique ses émotions avec une plume acérée comme une lame. Des Frelons dans le Coeur est son tout premier recueil. On vous propose aujourd’hui de découvrir deux poèmes de ce recueil - qui n’ont pas de titre, comme tous les autres, car tous les textes se répondent et se poursuivent !
Lisette Lombé est peut-être bien la plume la plus militante de cette sélection de poésie : artiste belgo-congolaise, badass en slameuse sur la scène bruxelloise, activiste anti-raciste, poétesse, et féministe : son livre conjugue des poèmes beaux et tranchants comme des manifestes à des textes épris de liberté et de sensualité. On vous propose aujourd’hui de découvrir Brûler, brûler, brûler, un poème de son dernier recueil éponyme.
Kiki Dimoula est une poétesse contemporaine grecque, dont on est si grateful qu’elle soit traduite en français. Entre anxiété et contemplation, elle tire le portrait au quotidien, à l’absence de ceux qui nous manquent, à la beauté du vide. On vous propose aujourd’hui de découvrir deux de ses poèmes, Desseins Animés et Inespérances. Bienvenue au pays des mots magiques.
Photo by Jakob Owens on Unsplash
Si vous êtes transi·e d’amour et de désir
De plus en plus - Margaret Atwood
De plus en plus fréquemment les contours
de mon corps s’estompent et je deviens
désir de m’assimiler au monde, y compris
à toi, si possible par la peau comme
le tour de passe-passe d’une plante avec l’oxygène ;
et de vivre d’un feu inoffensif.
Je ne te dévorerais pas,
ni ne t’achèverais,
tu serais encore là
autour de moi, aussi entier
que l’air.
Malheureusement je n’ai pas de feuilles.
À la place j’ai des yeux
et des dents et d’autres choses encore
non vertes qui excluent l’osmose.
Alors méfie-toi, je ne plaisante pas,
dernier avertissement:
Cette voracité-là
emporte tout
avec elle ; impossible
d’en discuter calmement
et posément.
Il n’y a aucune explication à cela, juste
la logique du chien qui crève devant l’os.
Laisse-moi te dire… Poèmes 1964-1974, un recueil de Margaret Atwood, éditions Bruno Doucey
Photo by Mia Harvey on Unsplash
Si vous êtes d’humeur à faire l’amour toute la journée
Baiser avec Amour - Phase III - Lenore Kandel
tu me baises continûment avec ta langue ton regard
avec tes mots avec ta présence
nous nous transmutons
nous sommes aussi doux et chauds et tremblants
qu’un nouveau papillon d’or
l’énergie
indescriptible
presque insupportable
la nuit parfois je vois nos corps luire.
The Love Book, un recueil de Lenore Kandel (en anglais) - des extraits à découvrir dans cette anthologie
Photo by fotografierende on Unsplash
Si vos désirs vous dépassent et vous questionnent
Suzanne Rault-Balet
je suis une distributrice
rien que ça
une distributrice d’amour
gratis
je déborde
ça déborde
j’en ai plein les placards
plein les tiroirs
plein les poches
la bouche-les yeux-mon coeur
plein partout
et ça dégouline
ça me dégouline dessus l’amour en trop
ça suinte ça transpire ça bave
ça ruisselle sur le monde
et ça colle
la matière elle colle c’est dégueulasse
et ça je ne veux plus
ça désormais je refuse
oui je dis non
ça
non.
Des Frelons dans le Coeur, un recueil de poésie de Suzanne Rault-Balet, aux éditions L’Iconopop
Photo by Morteza Yousefi on Unsplash
Si vous avez de l’amour à revendre
Suzanne Rault-Balet
je ne porte sur la bouche
que du café et du rouge
à la lèvre t’ai mordu
l’âme mon bel inconnu
je ne porte sur les yeux
que leurs nuances de bleu
grisée la table où je suis
étranger déjà tu t’enfuis
je ne porte sur la peau
que du soleil et de l’eau
hasard tu es revenu
ainsi j’ose et porte aux nues
mon épaule et mon
cou
awouu
je suis la louve citadine
à la terrasse de ton bistrot
je suis la chienne de ta ville
je viens lécher tes plaies
tes maux
tu ne portes sur la bouche
que du tabac et du fruit
écrasé entre les doigts
en fumée évanoui
tu ne portes sur les yeux
que le reflet de mes aveux
salie la table où tu étais
plus qu’une pièce de monnaie
tu ne portais sur la peau
qu’une chemise de trop
hasard tu as disparu
ainsi j’ose et porte aux nues
mon épaule et mon
cou
awouu
je suis la louve citadine
à la terrasse de vos bistrots
je suis l’infirmière maladive
je viens vous panser
le coeur gros
Des Frelons dans le Coeur, un recueil de poésie de Suzanne Rault-Balet, aux éditions L’Iconopop
Photo by Margarita Loza on Unsplash
Si vous avez envie de réinventer l’amour dans les cendres du patriarcat
Brûler, brûler, brûler - Lisette Lombé
En retard, en retard,
en retard, tu es en retard.
Tu pédales, tu cavales.
Tes perles brinquebalent sur tes secrets.
Tu pédales, tu cavales.
Culotte trempée, lèvres gonflées.
Tu pédales, tu cavales.
Brûler, brûler, brûler, brûler.
Tu pédales, tu cavales.
Brûler la liste du padre.
Des interdits multipliés
distribués à la volée
comme des claques qui carillonnent
au chevet de tes égarements.
Interdit de te maquiller.
De rire à gorge déployée.
Interdit de te décolleter
de raccourcir tes ourlets.
Interdit de déambuler.
Flâner toute seule dans le quartier.
Interdit de noctambuler.
Interdit de boire, de chavirer !
Interdit de danser, vibrer !
interdit de salir ta robe.
L’honneur, le nom et la lignée.
Interdit, interdit, interdit !
Mais toi, là, maintenant,
arc-boutée sur ton vélo,
le coeur tendu, amoureuse,
tu n’en as que faire de tous ces interdits !
Tu pédales, tu cavales.
Brûler la liste du padre.
Tu pédales, tu cavales.
Tes perles brinquebalent sur tes secrets
Tu pédales, tu cavales.
Culotte trempée, lèvres gonflées.
Interdit d’interdire d’aimer,
de désirer, de fantasmer,
de s’attacher, de s’enticher,
de se sentir surexister,
toucher, goûter, se délecter,
te caresser, culotte trempée,
te caresser, lèvres gonflées,
Danser, danser, vibrer, vibrer,
Brûler, brûler, brûler...
Brûler, brûler, brûler, un recueil de poésie de Lisette Lombé aux éditions L’Iconopop
Si votre crush est en kif sur quelqu’un d’autre
Kiki Dimoula - Desseins Animés
C’est sûr, dans la ronde sans fin
de l’offre et de la demande
tu as dû m’emprunter quelques sentiments.
C’est sûr, toutes ces années de tabagie, un jour,
tu as dû être à court de tabac.
Si maintenant tu pouvais en échange
pour deux-trois jours me prêter un amour.
On m’invite à une comédie circulaire
et l’invitation précise bien :
tenue opaque - il ne faut pas
que transparaisse l’insupportable.
Je te le rendrai intact.
Même si je me soule, si je me salis,
ne crains rien, l’éternel sur l’amour
ne laisse jamais de taches.
Ne serait-ce qu’un ou deux jours. Je veux y aller
dans de beaux habits d’emprunt
craie ostensiblement cassante
orgueilleusement pendue
au bras de l’éponge qui m’accompagne.
Ne serait-ce qu’un jour.
Non, pas celui-là, je n’en veux pas, non
pas l’amour charitable que reprend
ta main dès qu’elle tombe dans la mienne.
C’est l’autre que je veux, l’autre
la passion folle que tu éprouves pour quelqu’un
toi encore et tu le supplies
de te prêter son amour
ne serait-ce que deux-trois jours
non pas celui-là,
non pas l’amour charitable que reprend
sa main dès qu’elle tombe dans la tienne,
mais l’autre que tu demandes, l’autre
la passion folle qu’il éprouve
pour quelqu’un d’autre lui encore
et à son tour le supplie
de lui prêter un amour
ne serait-ce qu’un jour, non pas le charitable.
(...)
Toujours le décalage amoureux d’un autre
et nous toujours amoureux de lui.
Et les coïncidences meurent sans être aimées.
Photo by Connor James on Unsplash
Si l’élu·e de votre coeur vous ghoste
Kiki Dimoula - Inespérances
Mon Dieu, qu’est-ce qui ne va pas
nous arriver encore.
Je reste là je reste.
Il pleut sans pleuvoir
comme quand de l’ombre
nous renvoie corps.
Je reste là je reste.
Moi là, en face mon coeur
et plus loin
ma relation fatiguée avec lui.
Comme ça, histoire de faire nombre
chaque fois que le vide nous compte.
Chambre vide venteuse.
Je m’accroche bien fort
à ma façon d’être balayée.
Pas de nouvelles de toi.
Ta photo, stationnaire.
Ton regard comme si tu arrivais,
ton sourire, non.
Des fleurs sèches à côté
te répètent sans cesse
leur vrai nom immortelles
immortelles - pour si jamais tu oubliais
ce que tu n’es pas.
Le temps me demande
où je voudrais qu’il passe
et si j’ai pour nom “Hélas” ou “Est lasse”.
Laissez-moi rire.
Aucune fin ne connaît l'orthographe.
Pas de nouvelles de toi.
Ta photo, stationnaire.
Comme quand il pleut sans pleuvoir.