Just a Girl : au-delà de la trend
Un son qui claque
Tintin tintin I’m just a girl, in the world… Vous aussi vous l’avez en boucle dans le crâne ? Rien d’étonnant : depuis quelques mois, la chanson de No Doubt by Gwen Stefani rythme les scrolls d’une bonne partie de la Gen Z, avec 618 000 vidéos sur TikTok et 43 000 sur Insta (et c’est sans compter les TikToks rediffusés sur le réseau de Meta). Bref, ce son qui date de 1995 a clairement conquis l’année 2023, on vous raconte pourquoi.
Retour aux bases
Ça fait presque trente ans que No Doubt - groupe ska punk, pop-punk et rock alternatif - a sorti Just a Girl. Gwen Stefani l’a co-écrite avec le guitariste du groupe Tom Dumont pour leur album à succès Tragic Kingdom. Pour le reminder, la chanteuse a ensuite démarré une carrière solo en 2004 avec des titres iconiques tels que Hollaback Girl ou Sweet Escape, qui cartonnent toujours aujourd’hui.
Gwen Stefani a écrit Just A Girl pour dénoncer publiquement le combo danger-infantilisation que subissent les meufs au quotidien. Dans une vidéo diffusée en 2017, l’artiste revient sur la motivation derrière ce son : « Je n’échangerai le fait d’être une femme pour rien au monde, mais les mecs ne comprennent pas à quel point ça peut être un fardeau parfois. » L’élément déclencheur ? Un sermon de son père pour être rentrée à une heure du mat’ en voiture. Et clairement, sa frustration ressort dès les premières paroles :
Enlève ce ruban rose de mes yeux
Je suis exposée, ça n'est pas une surprise
Tu ne crois pas que je sais exactement où je me trouve ?
Ce monde me force à te tenir la main
Parce que je ne suis qu'une fille, oh, pauvre petite personne
Ne me lâche pas des yeux
Oh, je ne suis qu'une fille, toute jolie et fragile
Alors ne me permet pas d’avoir des droits
Clairement, la vibe persiste en 2023.
Il y en a pour tous les moods
Ce côté relatable et engagé a sûrement contribué au succès de la chanson cette année, en plus du fait que de nombreux sons des 90’s sont revenus en force grâce à TikTok.
Mais ce qui est intéressant, c’est qu’elle est principalement postée par des filles, qui en ont des utilisations très variées. On a les reprises féministes classiques, quand une femme dénonce le harcèlement qu’elle subit pendant son jogging, quand une autre plaisante sur l’état si mauvais du dating qu’elle en a fait un recueil de poèmes, ou quand deux potes agissent de manière super cheloue pour qu’on ne les embête pas dans la rue.
D’autres vidéos célèbrent simplement ce qu’elles considèrent être des moments typiques de la vie des meufs, comme les sessions de scrolling entre potes ou hésiter 15 ans avant de se débarrasser d’une fringue. C’est souvent mimi, mais on se demande parfois si ça ne renforce pas les stéréotypes de genre. Parce qu’être « juste une fille » n’implique pas pour toutes d'être expertes en make-up et pas en finance ou d’utiliser des pansements rose vif pour sa bagnole. C’est génial si certaines femmes aiment ça, mais on garde ce reminder en tête pour éviter que l’utilisation d’une chanson engagée se transforme en généralisations sur environ 3 milliards de personnes.
Ceci étant dit, cette diversité illustre aussi la pluralité des expériences de la féminité. C’est un combo de mignonnerie, d’esthétisation et de dénonciation plus ou moins humoristique des oppressions. Au final, ça crée des ponts entre les expériences de personnes séparées par des milliers de kilomètres #onaime.
Gen Z : stop aux généralisations
Cette trend représente aussi la variété au sein de la Gen Z, sur laquelle on a un peu trop tendance à faire des généralités. C’est obvious dit comme ça, mais toustes les personnes (environ 2 milliards) nées entre 1996 et 2010 n’ont pas vraiment les mêmes vécus, envies ou convictions. On vous en parlait dans une de nos newsletters, on a parfois la flemme d’être le bouc-émissaire de tous les maux.
On les dépeint beaucoup comme hyper engagé·es, par exemple. Effectivement, une tonne de jeunes se déclarent ouvertement féministes, mais on constate aussi une montée du masculinisme chez les jeunes hommes en réaction (on vous en parlait ici) ou bien ce fameux backlash qui nous fait bien bader. Une étude sur 32 pays a même conclu que 52% des membres de la génération pensaient que le féminisme allait trop loin. Si des chercheur·euses ont affirmé qu’il ne fallait pas paniquer face à ces chiffres (les résultats varient beaucoup selon les pays), c’est bien l’illustration que le combat n’est pas fini. Donc on ne se repose pas sur nos lauriers et on continue d’écouter Just A Girl à fond pour se donner de la force parce qu’en vrai réussir à être « just a girl » et se sentir bien dans ses baskets c’est déjà un exploit.
Bravo à nous, les meufs !
Claire Roussel