Brûler, brûler, brûler avec Lisette Lombé

 

Elle nous exhorte à nous indigner. À repenser le monde “d’après”. Celui auquel tout le monde pense, sans le rêver vraiment. Elle nous dit de nous casser, Lisette Lombé, comme Adèle Haenel aux Césars. Elle écrit sur le 8 mars, sur le racisme, le colonialisme, sur #metoo, sur son désir des autres. Elle nous dit de nous casser, mais elle se demande : pour aller où, en fait ?

 

Poétesse, artiste, activiste, slameuse, figure de la lutte antiraciste et féministe belge, Lisette Lombé est belgo-congolaise et trace sa route et le sillon de ses mots dans la veine d’Angela Davis ou de Toni Morrison. Ça claque, ça craque, ça envoie. Ça met des mots sur des souffrances, des injustices, des souvenirs, et des promesses de mieux. À faire jaillir dans les interstices ou au milieu des décombres. Un petit avant-goût de la puissance de ses mots ? Jugez par vous-même :

 

Et c’est le même système qui te demande d’être violée sans faire de vagues, le même système qui te demande de te serrer la ceinture sans faire tout un ramdam autour de ta précarité, le même système qui te demande de gerber, de vieillir, de crever sans salir la moquette (...).

Alors oui, d’accord, on écrit de beaux poèmes pour les 8 mars mais so what?

Oui, oui d’accord, on se casse !

Mais pour aller où ?

 

Brûler, Brûler, Brûler, un recueil de poèmes illustré par Lisette Lombé aux éditions Iconopop par l’Iconoclaste, à découvrir ici.

Invoquer Le Génie Lesbien avec Alice Coffin

 

Peut-être n’êtes-vous pas passé·e à côté du battage médiatique qui a entouré la sortie du livre d’Alice Coffin, Le Génie Lesbien. Détracteurs masculinistes, propos réac’ à gogo : la publication de ce manifeste-autobiographique a valu à l’autrice la perte de son poste d’enseignante à l’Université La Catholique de Paris, la direction de cette institution jugeant son militantisme trop visible. Raison de plus pour la soutenir et pour dévorer son livre, non ? Si.

 

On a lu d’une traite et en une aprem ces 230 pages de haute-voltige qui ont le mérite de se rendre parfaitement lisibles et accessibles (merci pour ça). Et on est sorties de là inspirées par le récit des actions militantes du groupe La Barbe, dont Alice Coffin fait partie : un groupe qui dénonce la sous-représentation des femmes dans les milieux politiques en se pointant dans les hémicycles en portant une fausse barbe et en criant des punchlines cyniques à la gloire du patriarcat.

 

À part ça ? On comprend (et c’est oh combien nécessaire) à quel point la lutte féministe doit aux lesbiennes et à leur militantisme. À l’image de Coffin ou de Sciamma. D’Angela Davis ou d’Alicia Garza (= l’une des fondateur·ices du mouvement Black Lives Matter). On n’aurait pas le temps de vous dire ou de vous citer tout ce qu’on a compris au fil de ces pages brillantes donc un seul conseil : lisez ce livre !

 

Le Génie Lesbien, Alice Coffin, aux éditions Grasset, à choper par ici.

Pratiquer La Vie Seule (et la magie blanche) avec Stella Benson

 

On respire et on se fait un petit break des problématiques du 21ème siècle ? Volontiers. Et c’est d’ailleurs exactement ce que proposent les éditions Cambourakis en nous offrant pour la toute première fois une traduction du roman La Vie Seule de Stella Benson, brillamment exécutée par Leslie De Bont.

 

Mais qui est Stella Benson au juste ? Une féministe de la première heure (#suffragette), une autrice admirée de Virginia Woolf et surtout (surtout) une plume britannique de génie.

 

Dans un Londres aussi inquiétant que féérique, coincé dans la première guerre mondiale, on suit de concert plusieurs personnages féminins dont celui de Sarah Brown et sa rencontre avec une mystérieuse femme qui se fait appeler une sorcière, et de son iconique balai Howard, efficace et serviable.

 

Mais “La Vie Seule”, qu’est-ce que c’est ? C’est le nom de cette pension étrange dont s’occupe cette sorcière presque moderne : elle y propose à des femmes seules d’y élire résidence, de découvrir la beauté de leur indépendance, la force de la sororité, et les pouvoirs réparateurs de la magie.

C’est bon, on a trouvé qui allait remplacer J. K Rowling dans nos coeurs pour la suite <3.

 

La Vie Seule, Stella Benson, aux éditions Cambourakis, traduction française par Leslie De Bont, à (s')offrir par là.

Choper des Frelons dans le Coeur avec Suzanne Rault-Balet

 

“La dernière fois que j’ai pleuré c’est maintenant” ou encore “Tu m’as dit au revoir comme on regarde une chaise” = de la punchline à tous les coins de page !

 

On ne sait pas comment vous dire, c’est bizarre, à quel point les mots et les maux de Suzanne Rault-Balet nous parlent tout en lui étant parfaitement propres. C’est ce poème qui semble nous rappeler ce que c’est que d’être ghosté·e par une personne qu’on aime. Cet autre qui semble évoquer ce que c’est que d’être cette magnétique éponge émotionnelle, aka cette personne qui voudrait soigner tout le monde. Cet autre encore qui nous parle de manger ou ne pas manger, de ce corps idéal et impossible, ce corps qu’on voudrait imposer aux femmes.

 

En lisant Des Frelons dans le coeur, on était bien. Comme dans une parabole de sentiments familiers, de situations déjà-vues, de choses que l’on avait déjà ressenties sans jamais réussir à les dire. Et les poèmes s’enchaînent de telle manière qu’on ne sait pas : où est-ce que ça commence, où est-ce que ça s’arrête ?

 

Allez, on vous met les mots à la bouche, avec un petit extrait :

J’ai vraiment peur du jour où je devrai arrêter le café

du jour où un vilain docteur me dira mademoiselle

pour votre santé et celle de votre petit coeur boiteux

il serait bon d’arrêter le grain

alors là je mourrai sur-le-champ je crois

c’est comme si jusqu’ici c’est lui qui me maintenait en vie

quand tu n’es pas là il me reste toujours le café

j’en trouve quoiqu’il arrive

lorsque pour te voir j’ai beau fouiller

tous les placards du monde

tu n’y es pas

 

Des Frelons dans le Coeur, un recueil de poèmes illustré de Suzanne Rault-Balet aux éditions Iconopop par l’Iconoclaste, dispo juste là.