Lil Nas X est l’icône queer qu’on attendait
Fan club spirit
Lil Nas X avait tout du jeune talent cheesy qu’on ne pensait écouter qu’un été entre deux DJ sets à la paillotte du Copacabana. On avait tort : le jeune rappeur qui a eu le culot de battre le record de Mariah Carey en passant plus de quatre mois à la tête du Billboard chart américain avec son titre « Old Town Road » est désormais une figure incontournable du hip-hop, qui a su séduire grâce à son authenticité, son goût de la provoc’ et son avant-gardisme hyper sexy à la David Bowie. Pour la « naissance » de son premier album « Montero », prévu le 17 septembre, il a cassé Internet en dévoilant un glorieux baby bump en clin d’œil à Queen B, avec un shooting déjà iconique pour le magazine « People ». On vous présente Lil Nas X, le nouveau master en com’ de la pop culture.
Started from the bottom
Lil Nas X, c’est une success story comme seule l’Amérique sait en créer. Tout juste quelques mois avant de connaître le succès en 2019, Montero Lamar Hill - de son vrai nom - était fauché et dormait par terre chez sa sœur. C’est à ce moment qu’il découvre la démo instrumentale d’« Old Town Road » sur la plateforme musicale BeatStars qu’il achète pour $30 avant d’y ajouter les paroles directement inspirées de certaines de ses galères. En moins de deux, la chanson devient un tube planétaire grâce à TikTok, où de jeunes lycéens mais aussi des papys cowboys se mettent à twerker sur le morceau d'inspi country (bisous Dolly Parton). Tout ça grâce aux chorées et autres challenges mis en avant par Nas lui-même, immédiatement repris par des millions d’utilisateurs. Le tube fait le tour de la plateforme (et donc du monde) grâce à son algorithme favorable aux artistes qui jouent le jeu.
Il surfe alors sur cette hype pour devenir en parallèle une star des réseaux sociaux dont il connaît les codes sur le bout des doigts. Ses punchlines en 140 caractères - la meilleure chose qui soit arrivée à Twitter depuis Cher, soit dit en passant - lui offrent une promo gratuite comme on en n’avait jamais vu. Alors que le succès est au rendez-vous et que la machine médiatique est bel et bien enclenchée, il décide de faire son coming out en un simple tweet qui fera le tour du web, prouvant au passage qu’annoncer son homosexualité est encore loin d’être un fait ordinaire.
Queer, hot et assumé
Au cas où on en doutait encore, Lil Nas prouve que la simple présence d’une personnalité noire et ouvertement queer dans le paysage médiatique est en soit un fait politique. Quand on est minorité dans une minorité, même sans être politisé, le simple fait d’exister peut parfois sembler synonyme de rébellion politique.
Lil Nas parle de son homosexualité comme de sa prochaine pause dej' : rien à cacher. Enfin quelqu’un qui s’assume, qui n’a plus peur de montrer son corps, d’exprimer ses opinions, de discuter de ses envies et de ses plaisirs, sans s’excuser.
Bien que son travail ait toujours été très LGBTQ+ inspired, c’est réellement le clip de « Montero (Call Me By Your Name) », sorti en mars dernier, qui démontre son implication (limite révolutionnaire) dans la culture queer. En plus des paroles déjà bien explicites, on peut le voir réinterpréter des passages d'inspiration biblique avant de glisser sur une barre de pole dance pour faire un petit strip-tease à Satan, au calme.
Ce clip commenté, partagé et regardé des millions de fois fait l’effet d’une bombe dans le petit monde de la pop culture, fatiguée par des mois de célébrités confinées partageant des photos de banana cake sur Instagram. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit un homme booty shaker devant un démon qui semble apprécier. De quoi faire bondir les commentateurs conservateurs de Fox News de leur siège et couper l’appétit aux tontons qui votent très à droite : comment ça un homme noir, gay et fier sur nos écrans ?!
Ce qu’on en dit ? Qu’il était grand temps. Grand temps d’arrêter de vouloir faire plaisir à un grand public inapte à comprendre des présentations artistiques différentes de celles que l’on voit depuis trente ou quarante ans et qui n’est pas toujours prêt à comprendre une culture queer qui a jusqu’alors toujours été underground mais qui entre enfin dans le mainstream.
Un nouveau rapport à l’image, synonyme de fierté
Que ce soit dans ses clips ou ses performances, Lil Nas X affiche toujours une apparence totalement décomplexée et ultra travaillée. Alors oui, il est important de noter le fait que Nas entre plus au moins dans les « standards de beauté de notre époque » : c’est un beau gosse grand, fin et musclé qui n’a pas à faire face aux mêmes problématiques discriminatoires que d’autres personnalités tentant aussi de faire entrer les valeurs du « body positivity movement » dans nos esprits et dans nos feeds.
Ce qui ne l’empêche pas d’essuyer un paquet de critiques a chacune de ses apparitions. À tel point que ses performances sont désormais aussi attendues que le prochain album de Rihanna. Après avoir accidentellement fait éclater son pantalon en direct pour nous offrir une prestation avec la main entre les jambes dans le célèbre Saturday Night Live ou sa performance libératrice aux BET Awards, galoches incluses, il est impossible de l’ignorer.
Il se balade torse nu sur les plateaux télé, embrasse des hommes à pleine bouche et s’affiche en tenues glamour, colorées et assez brillantes pour vous faire mal aux yeux après 22 heures. Ses prédécesseurs n’hésitent d’ailleurs pas à applaudir son sens de l’innovation ou ses « couilles de fer » comme le dit Elton John. Le fait de « se montrer » est quelque chose de récurrent chez les artistes pop mais le faire quand on est un homme noir homosexuel est encore (malheureusement) innovant. Prince serait fier de voir ça.
Il est plus que jamais nécessaire de montrer la beauté et la force des personnes noires et de représenter toutes les réalités des communautés longtemps (et toujours) discriminées et marginalisées. Donc oui, il est important de voir des personnes noires et queer s’aimer, se toucher, s’approprier leur corps, de prouver que les stéréotypes racistes, sexistes et homophobes n'ont plus leur place en 2021 et que tenir des propos dangereux et discriminants peut avoir des conséquences (coucou Kevin Hart et DaBaby).
Quand Lil Nas touche, frôle, embrasse d’autres hommes noirs sur la scène des BET Awards, il cherche aussi (peut-être indirectement) à être la représentation que certaines personnes attendent de voir pour s’ouvrir et s’accepter. D’ailleurs, la musique de Nas appartient aux genres musicaux les plus historiquement homophobes : la country, le hip-hop et le rap. Même pas peur.
Dans son dernier clip « Industry Baby », produit par Kanye West, il défile en prison en tenue rose fuchsia entouré de prisonniers en crop top avant de se lancer dans une chorée complètement nude et de twerker en plein air. Le clip reprend certains codes déjà établis dans le monde du rap mais Nas arrive à rendre tout ce qu’il crée indéniablement queer et esthétiquement représentatif d’un genre musical qui ne veut plus se laisser mettre dans une cage.
Tourné dans une vraie prison californienne, le chanteur a uniquement fait appel à des danseurs tous membres de la communauté LGBT+. Cette inclusivité a été applaudie sur les réseaux sociaux à une époque où la sous-représentation de toutes les communautés issues des minorités est toujours aussi problématique et embarrassante pour les personnes jouissant d’une tribune.
Un génie marketing ?
Lil Nas, né à la toute fin du millénaire dernier, fait partie de cette génération qui demande les pronoms d’une personne avant son prénom, n'est choquée que par les erreurs de ses aînés et vit H24 sur les réseaux sociaux. Nas arrive à faire véhiculer une image hype et drôle avec ses tweets et ses posts, en n’oubliant pas de promouvoir ces dernières réalisations de manière très campy.
Dans son single « Montero (Call Me By Your Name) », il met en avant une paire de Nike en s’y référant comme « les chaussures du diable » avec « une goutte de sang dans chacune des paires ». Sans l’accord de la marque, évidemment, ce qui aboutira à une action en justice qu’il mettra en scène dans un faux tribunal dans son clip « Industry Baby ». Un coup de génie digne des meilleures agences de pub et qui lui vaudrait bien un Oscar ou deux.
Ci-dessus, l'annonce de la sortie de son premier album, qui a déjà raflé plus de 2,5 millions de likes sur Instagram.
Même s’il ne s’est jamais considéré comme une icône queer ou un porte-parole de la communauté LGBTQ+, Lil Nas est indéniablement un des personnages les plus emblématiques de ce début de décennie.
Le premier album du génial Lil Nas X « Montero » sortira le 17 septembre pour le grand bonheur de nos playlists d’automne
Karl Richa