On s'est tapées des barres avec Tahnee
fun et queerness au rendez-vous
Vous aimez rigoler ? Vous n’aimez pas cringer quand vous entendez une blague raciste/sexiste à la sauce Bigard ? Vous allez kiffer Tahnee. Humoriste, comédienne et chroniqueuse, elle perce dans le milieu du stand up avec ses vannes au taquet et des sujets en phase avec le 21ème siècle, finally. Parce qu’un shot d’optimisme n'est pas de trop en ce moment, on a papoté engagement et représentation avec elle.
Dans tes passages sur scène et sur les réseaux, tu parles de sujets qui ont longtemps été zappés dans le stand up. Comment c’était d’arriver dans ce milieu avec cette approche ?
Je pense que les sujets queer ont le plus bloqué : parler de ma vie de lesbienne, de mon coming out… Quand j’ai commencé, j’ai senti qu’il y avait des réticences par rapport à ça. Certaines personnes étaient gênées que je sois lesbienne et que j’en parle, ou on me disait « C’est pas un sujet, ne fais pas que des sketchs là dessus, les gens veulent juste entendre des blagues ». Mais je fais des blagues en fait ! Donc c’est un peu tabou.
On me disait aussi : est-ce que ça allait être suffisamment “universel”, est-ce que ça allait parler au public ? C’était un peu bizarre, parce qu’à côté il y avait plein de personnes queer qui me disaient « Merci, c’est trop cool d’avoir des personnes qui font du stand up sur ce sujet, de s’identifier et d’en rire ». Donc j’ai toujours senti qu’il y avait quand même une demande. Cette double réaction m’a encore plus donné envie d’aller sur ces thèmes. Mais c’est vrai qu’en tant qu’humoriste, c’est plus agréable de jouer devant des publics qui sont réceptifs. Pas forcément concernés, mais qui ont envie de m’écouter. Parfois j’allais sur des scène de stand up plus masculin, et j’ai assez vite voulu créer mes propres espaces. Je me rends compte que j’ai créé pas mal de choses et j’en suis fière.
Justement, en 2018 tu as cofondé le Comedie Love, un projet de stand up bienveillant à une époque où ça n’existait presque pas. D’où est venue cette idée ?
C’est parti du constat qu’en tant que meuf, c’était compliqué de faire du stand up. Maintenant ça va mieux, mais à l’époque ça restait un univers très masculin avec un phénomène de boys club, parce que la plupart des comedy club étaient gérés par des mecs. Donc même s'ils n’étaient pas mal intentionnés, ils invitaient leurs potes, puis au dernier moment ils se disaient « Au fait il faudrait peut-être qu’on aie une fille ! » Donc en fait t’es la seule fille de la soirée, dans les loges ça parle entre mecs et tu te sens un peu exclue. Ça ne te met pas dans les meilleures conditions pour aller devant une salle, du coup la performance n'est pas top, du coup t’es pas rappelée. C’est un cercle vicieux.
On était trois meufs queer, on a voulu fonder notre propre plateau avec les gens qui nous faisaient marrer. Un autre constat c’était que sur scène, il y avait beaucoup de blagues sexistes, homophobes, grossophobes, racistes… Donc on voulait inviter des gens dont on appréciait l’humour. Bien sûr, tu ne peux jamais avoir des soirées 100% safe ! Mais on cherchait au maximum un environnement bienveillant.
On a ajouté un côté solidaire en invitant à chaque fois des asso’ vers lesquelles on redistribuait une partie des recettes. On s’est grave fait surprendre par le succès de nos soirées ! Quand on a commencé au Jardin Sauvage, c’était complet, on refusait du monde, c’était incroyable. Actuellement, le projet est un peu en pause parce qu’on a nos spectacles respectifs, mais on va refaire quelques dates de tournée.
Clairement, il y a un public pour ces sujets. Le succès de ton spectacle le montre aussi : tu es à la Nouvelle Seine tous les vendredis et tu vas tourner à Marseille fin février. Est-ce que tu as l’impression que le stand up évolue à grande échelle sur ces questions ?
Complètement. D’ailleurs au début, dans mon public je n’avais relativement que des lesbiennes, et là ça s’élargit avec des personnes hétéros. Je trouve ça chouette que notre parole aille dans d’autres oreilles, que ça se normalise ! Il y a une explosion du stand up. C’est de plus en plus connu, cette culture est bien arrivée dans les grandes villes, beaucoup de comedy club ont ouvert.
Et justement avec le Comedie Love et d’autres soirées, il y a beaucoup plus de personnes queer et racisées qui veulent se lancer. Donc c’est vraiment cool qu’on soit plus que deux ou trois. Je trouve ça d’autant plus important, parce que vu qu’il y a de plus en plus d’humoristes, tant mieux si tu as des sujets que des gens ne connaissent pas et qui te permettent de te démarquer.
Pour rigoler en live avec Tahnée, c’est par-là, pour upgrader votre feed avec ses vannes c’est ici, et pour suivre les actus du Comedie Love, c’est là.
Claire Roussel