Squid Game ou les limites de la critique anticapitaliste
Netflix & 0 chill
C’est LA série dont tout le monde parle (trop ?) en ce moment. Depuis sa sortie le 17 septembre, Squid Game s’est hissé tout en haut du classement Netflix dans plus de 90 pays. Mais quels sont les bails ? Pour faire simple, des Sud-Coréen‧nes endetté‧es acceptent de participer à un jeu en 6 étapes pour gagner une grosse (vraiment grosse) somme d’argent. Face à la violence de ce jeu orchestré par une élite occidentale anonyme, certain‧es y lisent une critique anticapitaliste. On avait envie d’en discuter avec vous.
Une série anticapitaliste, vraiment ?
Ce que nous montre Squid Game, c’est avant tout le déclin du capitalisme tardif. Ancrée dans la société Sud-Coréenne actuelle, la série n’est pas si loin de la réalité. Comme on peut le lire dans Courrier International, le taux élevé d’endettement en Corée du Sud serait dû - en partie - à l’importance du statut social. Avoir une belle voiture, faire un achat immobilier ou encore payer les études de ses enfants, tout cela coûte cher et n’est pas accessible à tous‧tes.
Dans la série, les protagonistes sont les laissé‧es pour compte de la course effrénée à la surconsommation. Sang-Woo est la fierté de sa mère à qui il n’ose pas avouer qu’il est criblé de dettes et Gi-Hun est un loser accro aux paris qui vit au crochet de sa mère. Mais les vrai·es perdant‧es dans l’histoire, c’est Sae-byeok et Ali, qui ont immigré respectivement de Corée du Nord et du Pakistan, dans l’espoir d’une vie meilleure.
Quand on découvre au fur et à mesure des épisodes qui se cache derrière ce jeu sanglant, force est de constater que les rapports de forces à l'œuvre dans la série existent aussi dans la vraie vie. Les riches se divertissent du malheur des pauvres, on connaît la chanson.
Un succès retentissant... rentable
Si la lecture anticapitaliste de la série paraît légitime, tout le monde ne semble pas avoir saisi le message. Les ventes du modèle slip-on blanc de Vans, que portent les prisonniers dans la série, ont décollées jusqu’à provoquer une rupture de stock. L’uniforme des soldats est quant à lui l’un des costumes d’Halloween les plus recherchés sur internet. Squid Game s’avère donc extrêmement rentable, autant pour les producteurs de la série que pour les marques qui s’en donnent à coeur joie. D’ailleurs, si vous n’aviez pas suivi, la nouvelle égérie de Louis Vuitton n’est autre que Jung Ho Yeon, l’actrice principale de la série.
Quand on sait que le cofondateur de la plateforme, Ted Sarandos, a récemment déclaré à Variety que les contenus à l’écran ne se traduisent pas par des dommages dans le monde réel, ça nous fait légèrement grincer des dents. L’effet Squid Game est bien réel et pour une série illustrant les dérives du capitalisme, c’est plutôt ironique. Mais comme le rappelle Laura Pitcher pour Refinery29, il faut garder à l’esprit que l’anticapitalisme nous est ici présenté par les milliardaires de Netflix, qui se trouveraient clairement du côté des VIP dans la série.
Justine Sebbag