Instagram : caisse de résonance de la communauté sourde
Avec les sous-titres svp
A l’heure où Youtube compte mettre fin aux ajouts de sous-titres par les internautes, Instagram se présente comme un eldorado pour ceux et celles qui souhaitent promouvoir la culture sourde. A coup de Stories pédagogiques ou dénonciatrices, des instagrameurs racontent comment ils en ont fait leur plateforme militante.
Illustration : @les.mal.entendus
La nouvelle n’a pas vraiment fait grand bruit. En plein été, Youtube annonçait la suppression des « contributions de la communauté » pour le 28 septembre. Cette fonctionnalité permettait aux internautes d’ajouter des sous-titres aux vidéos, rendant celles-ci accessibles au plus grand nombre. Et surtout, aux personnes sourdes.
« YouTube n’a pas rendu populaire cette fonctionnalité, puis a jugé qu’elle n’était pas utile puisque peu de personnes l’utilisaient sérieusement. Logique quand elle est peu connue... », glisse celui qui se cache derrière le compte Insta Les.mal.entendus.
Coup de plume, coup de griffe
« J’ai toujours aimé appréhender les sujets avec pédagogie et humour. C’est ce que j’essaie de faire transparaître sur le compte. Je m’adresse en priorité aux personnes qui veulent découvrir la surdité », déclare le jeune homme de 27 ans qui à coup de dessins illustre le manque d’accessibilité auquel il fait face au quotidien, en tant que sourd dans une société audiste – faite pour les entendants.
Sur ses Stories, il n’hésite pas non plus à interpeller les créateurs de contenus - podcasteurs en tête - qui rechignent à transcrire leurs programmes.
« C’était parti d’une frustration de ne pas avoir accès aux podcasts que mes ami·es écoutent, et de ne pas avoir de réponses concrètes à part ‘Pas le temps, pas le budget’. J’en avais fait mon cheval de guerre car c’est un sujet peu abordé ». Il reste plein de sujets à explorer, promet-il. De quoi faire de la place à tous les autres militants.
Partage de savoirs
« La fonction partage est celle que j’utilise le plus ! C’est la fonctionnalité la plus militante car elle permet de visibiliser nos messages, leur donner une portée ». Qui plus est, « le reste de la communauté sourde apporte quelque chose qui manque cruellement à mon compte : la LSF (Langue des Signes Françaises, NDLR) », admet-il. Comme par exemple, la série de vidéos « Parlons peu, signons bien » d’Erremsi qui cherche à déconstruire les idées préconçues sur la communauté sourde.
Las de répondre toujours aux mêmes questions sur ses parents, Megan Kateb - une Coda pour « Children Of Deaf Adult » - s'est également lancée pendant le confinement sur les conseils d’Erremsi : ça donne Sign's Life, « un média militant » tenu avec l'aide de Ninon Granier Lejewski, une interprète LSF.
« Même si ces trois comptes ont une base commune, certaines choses nous touchent plus que d’autres et nos regards sont souvent complémentaires », précise Megan. A travers Insta, les jeunes femmes ne s’en cachent pas : elles veulent « alerter le gouvernement » avec rappel des lois, appel à pétitions et témoignages de personnes sourdes en vidéo.
Trouver sa communauté sur Insta (ou pas)
Unis dans une lutte commune, les instagrammeurs de la communauté Coda et sourde se sont liés grâce à Internet. « J’ai vécu dans un village, j’ai été scolarisé dans une école classique et j’allais à un institut pour déficient auditif hebdomadairement quand j’ai grandi. Récemment grâce à Instagram, j’ai pu discuter et partager avec davantage de personnes Sourdes. Je commence à me faire des ami·es Sourd·es et c’est super ! », explique-t-on du côté des mal.entendus.
Mais tout n’est pas rose n’ont plus sur les Internets même s’il « semblerait qu’il y ait des avancées, comme une future fonctionnalité pour le sous-titrage des IGTV », souffle-t-il. « Instagram n’est pas totalement inclusif : il essaie de l’être mais seuls les comptes motivés le sont car les Stories vidéos doivent être sous-titrées à la main. La plupart des créateurs·rices de contenus n’y pensent pas… », déplore Megan Kateb.
A bon entendeur.
Méline Escrihuela