Vraie question : c’est quoi la culture du viol ?
Bootcamp débats de Noël
Dans les contes de notre enfance, dans les chansons qu’écoutaient nos pères et qu’écoutent nos frères, dans les pubs qu’on croise tous les jours, dans les blagues d’open space et dans l’impunité des agresseurs : la culture du viol est partout. Mais qu’est-ce que c’est exactement ? Explication rapide pour y voir plus clair.
Trigger warning : pour parler de la culture du viol, il faut parler de viol, et cet article donne des exemples qui peuvent raviver des souvenirs douloureux chez des victimes. Prenez soin de vous et des personnes à qui vous souhaitez le partager.
Définition
Dans une vidéo, la rédactrice en chef de Madmoizelle définit efficacement la culture du viol comme : un environnement social et médiatique dans lequel les violences sexuelles sont excusées, banalisées, voire acceptées. En gros c’est un ensemble de pensées, d’actions, de paroles et d’habitudes qui créent un climat propice au viol et à l’impunité des violeurs.
Exemple : raconter aux enfants qu’un homme qui embrasse une femme qui dort, c’est romantique ; dire aux jeunes filles que leurs jupes courtes perturbent les garçons, sous-entendu que c’est leur faute si elles se font toucher sans leur consentement (et qu’elles doivent aimer ça, sinon elles mettraient des pantalons) ; érotiser des scènes de viol au cinéma, dans le porno ou dans les jeux vidéos ; ou encore excuser un homme qui fait des propositions sexuelles dégradantes à une femme sur un plateau de télé pArCe QuE çA fAiT pArTiE dE sOn PeRsOnNaGe (salut Gainsbourg).
Pourtant le viol, les agressions sexuelles et le harcèlement sont clairement punis par la loi, alors comment expliquer ce laisser-faire ? En 3 points.
On connaît mal le viol
Dans l’inconscient collectif, un viol c’est : un parking sombre, un inconnu cagoulé et un couteau sous la gorge. Dans les faits, plus de 90% des victimes connaissent leur agresseur.
Pour rappel, et c’est important - on vous en parlait dans nos 5 mini tutos contre les violences faites aux femmes - le viol est définit par l’article 222-23 à 222-26 du code pénal comme : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». Ça comprend donc la pénétration buccale, vaginale, anale, par le sexe, par les doigts ou par un objet.
Donc que ce soit bien clair : une femme qui subit le chantage de son mec pour avoir du sexe à base de “Tu veux jamais, moi j’ai des besoins, tu ne veux pas qu’on se sépare pour ça quand même ? - Bon d’accord...”, c’est du viol. Une fellation forcée, c’est du viol. Si on démarre un rapport sexuel dans le consentement, qu’on exprime sa volonté d’arrêter et que la personne continue, c’est du viol. Un homme qui commence à nous pénétrer pendant notre sommeil, c’est du viol. Un homme qui se dit qu’on a assez bu pour ne pas dire non, c’est du viol. Un homme qui retire la capote avant ou pendant le rapport sans prévenir sa/son partenaire, c’est du viol. Un homme qui exige un rapport sexuel en compensation d’un service rendu, c’est du viol (Darmanin démission).
Souvent, on va nous rétorquer que “Ça va, c’est pas non plus comme s'il avait menacé de la tuer”, “En même temps les signaux étaient contradictoires”, “De toutes façons on ne peut plus monter seul dans un ascenceur avec une femme sans se faire accuser de viol”. Parce que la société est patriarcale, c’est-à-dire pensée par et pour les hommes, et que les hommes se protègent eux et entre eux.
D’après les estimations À MINIMA du gouvernement, 94 000 femmes majeures sont violées ou victimes d’une tentative de viol tous les ans en France. C’est un gros chiffre, on a du mal à s’en rendre compte : ça fait au minimum plus de 10 femmes violées ou victimes d’une tentative de viol toutes les heures. Toutes. Les. Heures. Et c’est sans compter les jeunes filles de moins de 18 ans. Mathématiquement, même en prenant en compte les viols répétés sur une même personne, ça fait donc aussi beaucoup de violeurs. Mais beaucoup d’hommes ne reconnaissent pas leurs torts, et c’est ce qui entraîne le deuxième pilier de la culture du viol.
On minimise les actes
Exactement comme les personnes qui font des blagues racistes disent “Je ne suis pas raciste, c’est de l’humour”, les hommes qui font du chantage à leur meuf pour du sexe disent “Je ne suis pas un violeur, c’est ma copine”. Parce que, comme l’explique très bien la dessinatrice Emma dans cette BD, dans leur imaginaire, violeur = inconnu qui surprend une femme à 3h du mat’ dans un tunnel sous le périph avec une lame. Sauf que comme on l’a vu au début, ça n’est pas du tout la majorité des cas.
La plupart du temps, le violeur c’est le conjoint, un membre de la famille, un ami ou un collègue. Une personne qui gagne la confiance de sa victime et surfe sur la “zone grise”, celle dans laquelle on met les trucs “pas propres mais ça va, y’a pire”. Alors que tous les viols sont des viols. Il y a plein de façons de tuer quelqu’un : avec du poison, une balle, un couteau, ses poings, avec préméditation ou sous le coup de la colère, par surprise ou dans un règlement de compte… Mais ça s’appelle toujours un meurtre. Et bien c’est pareil pour le viol.
C’est difficile, mais c’est important que tous les hommes qui ont profité d’une femme le reconnaissent et utilisent les vrais mots. Non vous n’avez pas “dérapé”, non vous n’avez pas “abusé”, non vous n’avez pas “un peu insisté, ça va”, vous avez violé. Ça peut aussi concerner notre famille, nos amis, notre mec, nos collègues, et c’est important de leur en parler.
Reconnaître ses torts, c’est un premier pas vers la fin de la minimisation des violences subies quotidiennement par les femmes, et donc la fin de l’impunité des agresseurs, pour enfin, un jour, obtenir la fin des violences. Rien de tout ça n’est normal, rien de tout ça n’est ok, arrêtez de vous protéger et protégez les vraies victimes.
On retourne la situation contre les victimes
Troisième pilier de la culture du viol : rejeter la faute sur la victime, voire carrément la traiter de menteuse et l’attaquer pour diffamation.
Dans la continuité de l’interdiction pour les jeunes filles de porter des jupes courtes ou des crop tops, on rétorque souvent aux victimes de viol qu’elles n’ont pas clairement dit non, que leur tenue indiquait qu’elles en avaient envie, qu’elles n’avaient qu’à pas monter chez leur agresseur, qu’il ne fallait pas “se mettre” en danger en s’alcoolisant, en rentrant seule chez soi la nuit, en publiant des photos déshabillée sur les réseaux… ce qui devrait juste être des droits de base pour tout le monde et qu'on ne reprocherait jamais aux hommes (imaginez juste la situation, vous allez rire - jaune).
Est-ce que ça vous viendrait à l’idée de dire à quelqu’un qui s’est fait cambrioler “En même temps tu n’avais pas installé de porte blindée”, “T’as vu ton écran plat aussi ? Ça donne envie...”, “Avoue que tu l’as un peu cherché en partant 2 semaines en vacances” ? PERSONNE.
Dans le même temps, on trouve mille excuses au comportement des agresseurs. Il y a un exemple qui témoigne très bien de ce double standard - et que vous pouvez ressortir à loisir dans vos débats : on va culpabiliser une femme victime de viol si elle a bu, mais excuser un homme agresseur parce qu’il a bu. La culture du viol résumée en une phrase.
On vous laisse avec 3 livres importants si vous voulez creuser le sujet : Une culture du viol à la française de Valérie Rey-Robert, En finir avec la culture du viol de Noémie Renard, et le roman Nous les filles de nulle part, d’Amy Reed. Bonne lecture et bon courage.