Pourquoi votre peau a faim (et comment la calmer)
J'ai des faims de toi difficiles
Le câlin anti déprime de maman, les caresses de votre crush, le check personnalisé avec votre meilleure pote… Qu’on se le dise, un an sans se toucher, c’est long. Quand on nous demande ce qui nous manque le plus dans le monde d’avant, on pense instinctivement aux bières en terrasse, aux heures passées sur le dancefloor ou encore aux films sur grand écran. Mais le manque de contact physique, c’est un vrai problème. C’est même « vital », comme nous l’a rapportée notre sexologue pref’. Mais bonne nouvelle : comme tout problème, celui-ci a aussi sa solution.
La faim de peau
Les anglo-saxons ont trouvé la bonne expression pour décrire ce manque de contact physique. Ils parlent de « skin hunger », ou littéralement « faim de peau ». La sexologue Nathalie Giraud-Desforges affirme que c’est un « besoin vital, autant que de dormir ou de se nourrir ». Quand on nous touche, notre corps produit de l’ocytocine. Une hormone qui a ce pouvoir magique de réduire l’anxiété, calmer l’activité cardiaque et améliorer le sommeil. « Si nous sommes privés de contact, les effets peuvent être néfastes pour notre corps et notre cerveau. On le voit chez les bébés : s’ils ne sont pas assez câlinés, ils vont dépérir même s’ils sont nourris. »
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Quand le corps est en manque, tout déraille
« En France, nous sommes les rois du toucher, constate Nathalie Giraud-Desforges. Pour se dire bonjour, pour s’embrasser, pour se mettre la main dans le dos, pour se faire une accolade, pour se serrer la main, pour s’encourager… Par rapport aux États-Unis, on se touche trois fois plus ! Du coup, l’impact du non toucher est encore plus fort. » Et elle a pu le constater avec ses patients : idées noires, insomnies, attaques de panique, niveau de stress élevé… Quand on ne produit pas assez d’ocytocine, c’est tout notre corps et notre tête qui partent en vrille.
Lou, 24 ans, en a fait l’expérience. Elle vit dans son 18m2 parisien, loin de ses parents. « Au début, je pensais que le manque de contact ne serait pas un problème. Mais j’ai rapidement été rattrapée par ce vide qu’il laissait en moi. J’ai besoin qu’on me touche, qu’on me prenne dans les bras. » Alors elle s’est lancée dans la grande aventure Tinder et a dépassé des limites qu’elle s’était imposées. « D’habitude, je veux prendre mon temps mais j’ai accepté d’aller chez des mecs dès le premier soir et de coucher avec eux alors que j’étais pas emballée. J’avais juste besoin de sentir des mains sur mon corps. Ça menait toujours à des fins foireuses alors j’ai décidé d’arrêter. Maintenant que je suis seule, je me surprends à me faire des câlins le soir, avant de dormir. »
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Les autres victimes de cette skin hunger sont les personnes âgées. Selon une étude des Petits frères des pauvres, elles sont 720 000 à n'avoir eu aucun contact avec leur famille durant le premier confinement. C’est le cas de Michèle, 81 ans. « Pour nous, le confinement est synonyme de peur. La peur de ne plus pouvoir serrer notre famille dans les bras. » De mars à juin, sa fille lui apportait les courses tous les jours et les déposait devant la baie vitrée pour éviter tout contact. « J’attendais qu’elle parte pour les récupérer. C’était atroce. Je la voyais mais je ne pouvais pas la toucher. » À l’approche de Noël, toute la famille a décidé de se confiner deux semaines avant de se retrouver pour ne pas prendre de risque. « Quand j’ai enfin pu prendre mes enfants et petits-enfants dans les bras, j’ai pleuré. J’étais tellement en manque de cette sensation. J’ai ressenti quelque chose au fond de moi, un sentiment inexplicable de réconfort et de soutien. On a tous besoin de s’enlacer. Il est beau d’ailleurs, ce mot, enlacer. »
Jamais mieux servi·e que par soi-même
« La bonne nouvelle, c’est que le cerveau reconnaît le bénéfice du toucher même s’il ne vient pas d’une autre personne, confie Nathalie Giraud-Desforges. Quand on caresse un animal, un tissu ou notre corps, on produit de l’ocytocine nous-même. » La sexologue nous le confirme : c’est le moment de ressortir ses peluches, ses bouillottes (exit celles en plastiques, on veut de la douceur ! Optez pour celles en pilou-pilou) et de couvrir votre chat d’amour. Votre cerveau l’interprète comme un véritable câlin et pense que vous n’êtes pas seul·e.
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Si vous n’avez pas d’animal ni de peluche, ça marche aussi avec votre propre corps. Mais attention, on ne parle pas de caresses à la va-vite ! La sexologue conseille des mouvements lents pour un effet vraiment bénéfique. « Une étude américaine montre qu’il faut toucher lentement sa peau, sur une surface de trois à cinq centimètres par seconde. » Et il en va de même pour la masturbation. Nathalie Giraud-Desforges conseille de « s’honorer avec une masturbation consciente plutôt que de s’astiquer ». Le point positif de cette pratique, c’est qu’elle peut nous mener jusqu’à l’orgasme qui décuple l’ocytocine, la dopamine et l’endorphine, l’hormone du bien-être. Plus les mouvements sont doux et conscients, plus le niveau de stress diminue pour longtemps. Profitez de cette période pour explorer votre corps, l’écouter, vous concentrer sur vos sensations… Ces plaisirs solitaires vous prépareront pour l’après et vous n’en sortirez pas « mort·es de faim », comme le souligne la sexologue. « Si votre peau et votre sexe le sont, vous serez submergées et vous avalerez n’importe quoi. Prenez soin de votre appétit sexuel et amoureux en prenant soin de vous. Ça vous permettra de laisser le temps à la rencontre et au plaisir. »
Et comme on n’a pas envie de vous laisser mort·es de faim, on a demandé à la spécialiste une petite sélection pour vous aider à vous (re)découvrir. Elle nous a conseillé l’indétrônable compte Insta Jouissance club, son site Sexualité sacrée pour en apprendre plus sur le tantra, la série éducative Climax.how ou encore le podcast Les Couilles sur la Table. De quoi s’occuper pour le retour du confifi.
Agathe Renac
Dans cet article, on a parlé de...