Le quiet luxury, ou le top du snobisme en 2023
If you know, you know
« L’argent parle, la richesse chuchote ». Ok, Lily Van der Woodsen. Un proverbe qui nous amène à la tendance dont on va parler aujourd’hui : le quiet luxury. Ce style, pourtant pas si récent, déchaîne les passions sur Internet depuis quelques mois. Pensez aux tailleurs sobres des milliardaires de Succession, aux robes élégantes et simples de Gwyneth Paltrow à son procès en mars dernier, ou à n’importe quelle collection de la marque The Row. Ça n’a l’air de rien mais ça vous coûte trois loyers parisiens.
Un style “simple”
L’esthétique quiet luxury, c’est des pièces bien coupées dans des matières naturelles, des teintes sobres (plutôt beiges, blanches, marrons ou noires) et des bijoux discrets, pour un résultat officewear ambiance La Défense on-n’a-pas-le-time. Loin d’être simplement minimalistes, les vêtements quiet luxury sont extrêmement précieux. Ils viennent de marques plutôt confidentielles, très chères, reconnues par celleux qui savent comme le top du top. Genre Brunello Cucinelli, Loro Piana, Max Mara… Au départ, le quiet luxury a été conçu par des ultra-riches pour passer inaperçus des non-initié·es à ces codes. Le quiet luxury illustre parfaitement le mood du moment. Car en période de crise -économique, sociale, sanitaire, politique, you name it…- deux dynamiques se jouent.
D’un côté, les client·es des marques de luxe ont tendance à shopper des pièces plus discrètes. On a vu ça même à Coachella, festival réputé pour ses tenues excentriques. Des célébrités comme Suki Waterhouse ou Kendall Jenner y sont allées mollo, à base de chemise bleue et de pantalon de smoking noir.. Un désir de furtivité qui s’explique probablement par la conjoncture économique. En temps de crise, il est assez commun de la jouer low profile et recessioncore. (Petite fave trend: Eat the rich qui approche du milliard de vues sur TikTok.)
De l’autre côté, de nombreuses personnes qui n’appartiennent pas aux élites économiques développent une fascination pour leurs codes. Le hashtag #oldmoneyaesthetic, lié au concept d’old money -en gros des familles riches par l'héritage qui n’ont « rien à prouver »- cumule par exemple 3 milliards de vues sur TikTok. L’obsession pour le quiet luxury est à son pic depuis le mois de mars, quand la nepo baby Sofia Richie, une des égéries de la trend, s’est mariée. Sous les photos de ses tenues, qui dépassent toutes le million de likes, on s’enthousiasme de son élégance et de la simplicité de ces trois robes Chanel. Simple, peut-être, mais sobre… ? Anyways, des mariages de stars aux séries, la pop culture a placé l’esthétique quiet luxury au centre de l’attention. Et pour certain·es, l’adopter est un goal ultime.
L’exclusion à tous les étages
Avec l’économie au sol et une inflation à 5,9% début 2023, il y a une logique à reproduire les codes des élites, genre les fringues, pour espérer les intégrer ou s’en sortir financièrement. Mais si l’apparence minimal chic est facile à adopter peu importe ses revenus (notamment via la fast fashion comme Zara qui propose des pièces officewear accessibles depuis 15 ans), le « vrai » quiet luxury est inatteignable pour la plupart des gens. Parce qu’il faut claquer des milliers d’euros, comme pour ce T-shirt Loro Piana à++ 650€++, ou ce short en coton The Row à 970€. Et les client·es fortuné·es savent distinguer les pièces milieu-de-gamme de celles de luxe, comme l’illustre le slogan officieux du quiet luxury : if you know, you know (TMTC mais en plus stylé). Cette trend entretient donc le mythe d’une élégance supérieure et facile à atteindre par son apparente simplicité, sauf que non. Une exclusion pernicieuse qui n’a rien d’étonnant quand on connaît ses origines.
Car avant même de snober les classes populaires dont il n’a vraiment rien à faire, le quiet luxury existe pour dévaloriser les nouveaux riches (qui « étalent leur argent ») en adoptant des codes subtils reconnaissables uniquement par les élites, en opposition à un sac à logo ou une Porsche que tout le monde sait reconnaître. Une philosophie snob et souvent raciste, car tant qu’on y est, enfonçons les portes ouvertes et tapons là où c’est fait partout ailleurs.. Comme la logomania (mode du logo), popularisée par le designer Dapper Dan dans les 80’s.
Évidemment, no shame si vous avez envie d’adopter cette esthétique pour gérer un environnement hostile, ou si tout simplement vous adorez les dégaines minimalistes. On comprend, c’est vraiment la crise. Tant qu’on capte les mécanismes derrière, on peut s’en amuser avec lucidité. Et surtout, comme dit la Youtubeuse Financial Diet, ne pas zapper : « Finalement, peu importe comment ils sont habillés, il faut juste manger les ultra riches ». Alors attention à bien retirer les vêtements avant d’enfourner.
Claire Roussel