Le street style : un mythe ?

 

Tout l’intérêt du street style réside dans son caractère authentique. Un cliché pris sur le vif dans la rue, une personne en mouvement qui vaque à ses occupations tout en étant effortlessly cool et stylée. Difficile d’oublier les looks capturés par Face Hunter ou Fresh Fruits, dont certains vivent encore rent free dans nos esprits. Après une première vague rafraîchissante, les blogs street style, à l’instar de The Sartorialist ou Garance Doré, ont préféré mettre en avant les looks des it-girls et fashionistas qui assistaient à la Fashion Week à ceux des passant‧es dans la rue.

Les looks avaient beau être incroyables, ils n’étaient pas authentiques pour un sou. Dans un article dédié au “mythe” du street style, Sophie Woodward conclut que ce qui éveille la curiosité autour d’un look n’est pas tant son caractère novateur que la manière de combiner les pièces ensemble et de connaître leur provenance. Entre des looks hors de prix de moins en moins relatable et l’arrivée des réseaux sociaux, la formule originale du street style s’est peu à peu essoufflée.

 

 

Tous‧tes célèbres

 

À l’ère pré-Instagram, nous avions les magazines de mode. À chaque numéro, de nouvelles tendances avaient émergées et pour preuve, les célébrités cool du moment les portaient. Mais depuis l’arrivée d’Instagram, tout le monde peut prétendre à une certaine forme de célébrité et ainsi dicter les nouvelles tendances, avec ou sans l’approbation des magazines de mode. En véritable game changer, la micro-célébrité a transformé nos habitudes de partages sur les réseaux sociaux, nous poussant à entretenir un feed cohérent.

Comme l’observe Maya Singer pour Vogue, nous serions toutes devenues des mannequins à la demande, éditorialisant nos meilleurs looks pour les réseaux sociaux. L’industrie de la mode l’a bien compris et les marques misent tout sur les influenceur‧euses. Mêmes cadrages, mêmes outfits, mêmes couleurs. Résultat, nos feeds sont devenus bien fades et on se réjouit que le retour du street style vienne bousculer tout ça.

 

 

Le paparazzi treatment

 

C’est au moment où tout le monde semblait avoir tourné la page du street style qu’il fait son grand retour sur Instagram à travers des comptes comme @watchingnewyork, @messynessychic ou @parisiensinparis. Suivis par des milliers de personnes, ces comptes documentent le style des passant‧es de Paris à New York et se sont déclinés un peu partout dans le monde. Exit l’ambiance haute couture années 2010, le street style fait peau neuve et s’adapte aux codes de son époque.

Prenez les paparazzades des célébrités les plus convoitées du moment, remplacez les célébrités par des personnes randoms arborant leur vrai style, sans artifice et vous obtenez le street style actuel. C’est la formule brillante du photographe Johnny Cirillo à l’origine du compte @watchingnewyork, qui offre le paparazzi treatment aux passant‧es qui y consentent. À Paris, on est nettement moins straightforward en termes de street style et les photos sont souvent prises de dos, en douce. Même s’il se dégage deux salles, deux ambiances - la paparazzade assumée et le sighting de stars à la @deuxmoi - on reste dans une certaine performance de la célébrité. Fake it until you make it, askip.

 

 

Un renouveau plus inclusif

 

La particularité du street style offerte par Johnny Cirillo est sans conteste son inclusivité. Contrairement à ses semblables européens, qui postent principalement des silhouettes minces, blanches et normées, @watchingnewyork propose un éventail beaucoup plus divers. On pourrait alors choisir la facilité et se dire que New York est connue pour ses habitant‧es flamboyant‧es qui osent des looks que personne n’oserait porter ailleurs.

Mais ça ne serait pas tout à fait honnête. Il n’y a qu’à regarder les vidéos What are people wearing in Paris ? de la youtubeuse Not So Blond pour comprendre qu’une fois de plus, tout est une question d’éditorialisation. Mettant en lumière des personnes correspondant ou non aux critères de beautés normés, le street style devient plus inclusif et donc plus réaliste. Au même titre que l’industrie de la mode, le street style peut et doit faire mieux. On attend avec impatience que des comptes plus inclusifs voient le jour en France et fassent bouger les lignes. Si on salue l’initiative d’un compte comme @incluspo qui nous permet de diversifier les standards de beauté qui atterrissent dans nos feeds, le chemin est encore long. But we’re here for it !


 

Justine Sebbag