Les ballerines sont de retour, que vous le vouliez ou non
Ça va jaser au rayon shoes
Sorry, pas du tout sorry. On vous entend d’ici hurler à la mort à base de « MOI VIVANTE JAMAIS ! » mais la ballerine fait bel et bien son grand come-back et on doit avouer que ce retour de hype nous met plutôt en joie. Parce qu’au-delà des nouveaux horizons stylistiques qui s’offrent à nous, autant vous dire qu’on va avoir droit à du gros débat à l’apéro. Commençons par cette question simple : pourquoi et comment en est-on arrivé·es à détester à ce point cette pauvre chaussure ? Trop BCBG, trop sage, trop clichée, trop enfantine, trop white girl, trop pue-des-pieds ? On y réfléchit juste ici.
La chaussure la plus haïe du siècle
Qui n’a pas rejoint au moins une fois dans sa vie un groupe Facebook intitulé « Journée internationale contre la ballerine » ou mis l’affiche à sa BFF en ressortant des vieux dossiers du lycée juste parce qu’elle en portait ? Depuis la fin des années 2010, l’immense majorité du genre humain semble s’être mis d’accord pour reléguer cette chaussure au rang d’affront visuel pur et simple, au point d’en faire un running gag qui a intégré toutes les conversations.
Accordons-lui au moins ça, la ballerine a su rassembler les haters comme peu d’autres pièces mode avant elle. Même Niska s’y est mis dans son titre B.O.C. : « Non ? T’as mis des ballerines : dégage ! Tu vas jamais dormir chez moi (dommage !) »
FLASHBACK EXPRESS
Pourtant, avant d’avoir gagné son statut de tue-l’amour ultime, c’était une des chaussures les plus répandues à la fin des années 2000 et dans le début des années 2010 (avec peut-être la botte fourrée Ugg, qui a subi relativement le même sort). Adorées par des icônes comme Kate Moss, Amy Winehouse ou Alexa Chung, qui les arboraient aussi bien avec un mini short en jean qu’une robe pin up, les ballerines se sont ensuite démocratisées à l’extrême pour finir sur TOUS les pieds des lycéennes accro à Gossip Girl et aux sacs Longchamp.
Kate Moss à gauche, Alexa Chung à droite
À ce moment, c’était impossible de passer à côté. On en trouvait aussi bien chez Céline et Chanel qu’au marché du coin ou chez Auchan. C’est d’ailleurs probablement ce qui a signé leur arrêt de mort : quand une pièce est vue, re-vue et re-re-vue, on arrive vite à l’overdose. Et les personnes qui “font” la mode ne veulent plus en entendre parler. De là, le vêtement devient ringard, puis peu à peu oublié… Jusque là, ok.
Le girl-shaming en cause ?
Sauf que dans ce cas précis, la ballerine était (surtout) ultra populaire chez une catégorie spécifique de personnes : les jeunes filles. Celles qui écoutaient Lorie, portaient du gloss à paillettes et fantasmaient en scred sur Leonardo Dicaprio. Bref, des jeunes filles en plein dans le cliché de la jeune fille.
Gossip Girl, quelle époque
Et c’est là que ça devient intéressant : au lieu de simplement tomber dans l’oubli (comme les jeans baggy par exemple), c’est carrément devenu la honte de porter des ballerines. Tout le monde s’est mis à haïr ce modèle de chaussure (surtout les mecs, let’s be honest). Pas assez femme fatale, pas assez stylé… ou « trop basic bitch, tout simplement » selon Danielle, 29 ans.
Pas assez sexy ?
« Ça fait trop petite fille » lance Marc, 32 ans. Mmmh... Marrant, dans un monde qui fantasme sur les mannequins polonais de 14 ans et qui place school girl ou teen dans les tops des recherches porno. Le corps des femmes et leur tenue versus le male gaze : tout un programme.
Oui, c'est bien Chiara Ferragni
On aurait donc dû jeter nos ballerines à la poubelle parce qu'elles n'étaient pas assez sexy… mais surtout pas débarquer en escarpins non plus, sous peine de faire trop aguicheuse. On ne s’attardera même pas à démanteler cet argument. Un emoji *lève les yeux au ciel* devrait suffire.
Trop moche pour être cool ?
Autre argument brandi par les haters de ballerines : le look. « Personnellement, je trouve juste ça moche. C'est tout plat, sans style. » nous dit Marie, 28 ans. Question de goût, soit. Bon. Si on considère que toutes les atrocités qu’on a portées au collège sont à nouveau cool (coucou les casquettes Von Dutch, T-shirts à imprimés papillon, mules ambiance Lizzie McGuire et strings apparents), la ballerine mérite bien elle aussi son quart d’heure de gloire sauce 2020’s.
Mean Girls, le nec plus ultra du style pour les Z
Et puis sincèrement, dans un monde qui considère les Crocs compensées avec des chaussettes tie&dye comme l’apothéose du style, on ne peut décemment pas brandir l’argument esthétique pour dégager les ballerines de nos placards.
Trop tradi alors ?
L’argument qui revient souvent est celui du symbole derrière la chaussure. La ballerine, on est bien d’accord là-dessus, a un côté très femme-blanche-mince-bourgeoise-et-tradi. Comme une sorte d’apparat de la parisienne bien clichée version Inès de la Fressange.
Inès de la Fress' herself
« Pour moi, la ballerine, c’est la Repetto de la petite bourgeoise avec son trench ciré et sa marinière ! » raconte Victoria, 31 ans. Ok ok ok… Mais comme les trenchs Burberry, les carrés en soie et les montres de luxe, pas vrai ? Qu’on a pourtant vu depuis quelques saisons sur tous les rappeurs, modeuses de compèt' et autres TikTokeurs stylés… Un symbole, ça se fait et ça se défait. Non, la haine de la ballerine est à aller chercher ailleurs.
Pas assez inclusif ?
Dernier argument souvent brandi par les anti-bal’ : son côté non-inclusif. « Les ballerines, c’est joli quand tu es toute fine, grande, que tu chausses du 36… Quand tu as des mollets un peu plus imposants ou que tu fais du 41, t’oublies » explique Chloé. Bon. Là aussi, on comprend bien l’idée. Sauf que… Petit 1, on pourrait facilement dire la même chose des ¾ des vêtements imaginés pour les femmes (skinny jeans, tailles basses, crop top, etc). Petit 2, n’oublions pas que la beauté, c’est une construction sociale. On nous a dit que les ballerines étaient moches sur du 41 ? On y a cru. Sauf qu’on est en 2021. Et qu’on est libre de redéfinir ce qui est beau, ce qui est moche, et surtout de décider qu’on s’en fout complètement de ce que pense le voisin de nos nouvelles pompes.
Marielle Elizabeth pour Vogue
Bref. On ne saurait trouver une explication concrète et plausible au ballerine-shaming, mais quoi qu'il en soit, elle est peu à peu sortie du paysage fashion. Même celles qui adoraient ces chaussures ont dû arrêter d’en porter sous peine d’être la risée de leur bande de potes. « Je me souviens avoir arrêté d’en porter vers la fin de mon collège parce que j’entendais déjà dire que c’était trop la honte. Alors que j’en portais depuis plusieurs années et puis surtout, je les aimais mes ballerines noires Guess avec des pendants blings blings. Je les portais avec tout : des jupes comme des jeans et tout le monde les portait : de la meuf populaire du lycée à celle qui n’avait pas trop de budget » raconte Claire, 25 ans.
Retour de hype mérité
Pourtant, pratique et confortable, féminin sans correspondre aux clichés du male gaze, facile à porter, à la fois habillé et casual… À y repenser, la ballerine accumulait déjà pas mal de bons points. C’est d’ailleurs peut-être ce qui a convaincu les grandes marques, maisons de luxe et filles lookées à remettre la ballerine au goût du jour (avec le fait, précisément, qu’elles étaient tombées dans l’oubli - passion absolue des créateurs et des créatrices de mode). Récemment, on en a donc pu en apercevoir en version tressée à brides chez Dior ou en cuir coloré chez Céline, en Tabi blanches par Margiela sur Chloë Sevigny… mais aussi sur Adwoa Aboah avec une maxi robe baby-doll, Blanca Miro en version hippie chic ou encore Loulou de Saison. Voyez plutôt :
Défilé Dior, printemps-été 2021
Défilé Céline printemps-été 2021
Adwoa Aboah
Blanca Miró Scrimieri
En robe longue et ballerines Chanel
Les ballerines Miu Miu sorties en 2017
Chloë Sevigny en 2020
CQFD. Cette année, la ballerine sera à nouveau de tous les #OOTD et on ne voit pas pourquoi s’en insurger - bien au contraire.
De notre côté, on les chopera sur Vinted (où zonent actuellement des modèles de chez Céline, Chanel, Miu Miu ou Margiela, just sayin’) ou neuves pour celles qui préfèrent (Zara, Mango, & Other Stories, Jonak en ont ressorti ces dernières semaines). On portera avec un 501 et un T-shirt blanc, un jogging large et un blazer oversize, une robe midi en popeline. On fera un gros fuck aux haters et on marchera la tête haute (et le pied plat).
Zara, été 2021
Man Repeller
Zara, été 2021
Allez, un dernier petit tweet pour la route, just because :