La minceur comme critère de beauté

 

Dans sa dernière bande dessinée, l’autrice Liv Strömquist observe l’évolution de l’idéal de beauté féminine de la période biblique à Kylie Jenner. En lisant Dans le Palais des Miroirs, on apprend par exemple que l’idée de minceur comme critère de beauté remonterait au XIXe siècle, à la suite de la rencontre entre les Impératrices Sissi et Eugénie. Pendant que leurs maris s’entretiennent, les deux femmes en profitent pour comparer leurs mensurations respectives. Résultat, elles entrent dans ce que l’anthropologue René Girard appelle la « rivalité mimétique ».

En réalisant que Sissi possède une taille plus fine que la sienne, Eugénie désire avoir la même et entre inconsciemment en compétition avec elle. Et même si la silhouette « idéale » a évolué depuis, la minceur est toujours considérée comme un critère de beauté.

 

 

Is it a look or is she just skinny ?

 

Tout a commencé par un tweet dénonçant l’hypocrisie avec laquelle on considère une tenue comme étant à la mode uniquement quand elle est portée par une personne correspondant aux critères de beauté en vogue. Deux personnes grosses qui portent un tee-shirt vintage, un short en denim et des dad shoes font crier au scandale alors qu’on voit des influenceuses porter exactement les mêmes pièces partout sur Instagram.

Cette réflexion s’est rapidement transposée en tendance sur TikTok, où des utilisatrices essaient des looks vus sur Pinterest ou portés par Bella Hadid & co, pour voir si ce sont vraiment des outfits stylés ou s’ils sont stylés seulement quand c’est une femme mince qui les porte. Ce qui en ressort, c’est que si on porte un vêtement à la bonne taille et qui est adapté à sa morphologie, il n’y a pas de raison que ça ne soit pas un outfit stylé.

 

 

L’effet Brandy Melville

 

Malheureusement, tout n’est pas si simple. Déclarer qu’un look sera forcément plus joli sur une personne mince, c’est grossophobe, point. Quand on lit certaines réactions aux vidéos TikTok, on se dit qu’il y a des personnes qui ne sont tout simplement pas prêt‧es à avoir cette conversation. Le problème, c’est que la plupart des marques de prêt-à-porter grand public ne proposent que peu ou pas de grandes tailles.

Sans parler des coupes, absolument pas adaptées à des morphologies diverses. C’est le cas de la marque Brandy Melville, qui en plus de faire l’objet de graves accusations, propose des vêtements en taille unique, renforçant l’idée que pour être stylée, il faut être mince.

 

 

Vers un changement dans l’industrie ?

 

Dans un article abordant la tendance du cut-out à l’ère de l’inclusivité, le magazine i-D souligne que « si les vêtements étaient conçus pour s'adapter à un plus grand nombre de corps dès le départ, la tendance du cut-out serait beaucoup plus accessible ». Et bien qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que l’industrie de la mode soit vraiment inclusive, on commence à voir une plus grande diversité de corps sur les catwalks. Mais si on se réjouit de voir des mannequins plus-size défiler pour Jacquemus, on est un peu déçues de voir les looks qu’il leur a choisi pour sa collection La Montagne.

Encore une fois, ce sont les mannequins les plus minces qui ont droit aux looks les plus sexy et audacieux quand les mannequins plus size sont habillées de la tête au pieds comme pour camoufler leurs corps « différents ». Heureusement, certain‧es créateur‧ices viennent relever le niveau. On pense par exemple au label Ester Manas dont le défilé Printemps Été 22 a littéralement cassé internet par la beauté de ses looks inclusifs et adaptés à la morphologie des modèles. Tout en cut-out et transparence, ce défilé prouve bien que ce sont les vêtements qui doivent s'adapter aux corps et non pas le contraire.


Justine Sebbag