Ça existe ou pas la dépendance affective ?

 

Quand on demande à Google ce qu’est la dépendance affective, on trouve… un peu de tout. Des sites alarmants, du développement personnel, des conseils pour “réussir à trouver l’amour en 10 minutes”, et on vous en passe. Résultat : on n’est pas bien avancées, mais ça va nous aider à planter le décor.

Pourquoi ? Eh bien parce qu’il faut savoir que le terme “dépendance affective” n’est pas spécialement reconnu par la communauté psy. Mais qu’en revanche, on le retrouve régulièrement employé “à tort et à travers” au rayon développement personnel. Ce n’est donc pas une pathologie en tant que telle, contrairement, par exemple, au trouble de la personnalité dépendante ou au trouble réactif de l’attachement selon le DSM-5 (aka le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).

 

Si on vous explique tout ça, c’est parce que, dans cette mesure, parler de “dépendance affective” comme on s’apprête à le faire dans cet article, consiste plus à débattre autour d’une idée et d’un concept qu’à discuter d’une pathologie ou d’un trouble reconnu par la communauté scientifique. Ce qui veut dire (rassurez-vous), que puisque la dépendance affective n’est pas un trouble, il n’est pas nécessaire d’en guérir. Par contre, ça peut être sympa de poser les questions (qui fâchent) pour amorcer une éventuelle déconstruction de ce que sont nos rapports amoureux :)

Maintenant qu’on a dit tout ça, essayons de débattre en 2-3 pistes sur ce que ça veut dire pour nous, nos relations, et tout particulièrement pour des personnes qui se sont construites socialement en tant que femmes (coucou !).

 

 

Dépendance affective : une tentative de définition

 

Pour le dire grossièrement, les personnes que l’on considère comme étant dépendant·es affectivement auraient du mal à vivre pour elles-mêmes : elles auraient tendance à centrer leur vie sur les autres, leurs opinions et leurs besoins. Ou à vivre par et pour la validation de leur proches. Un mode de fonctionnement qui toucherait aussi bien les relations amoureuses (#jenesuisriensanstoi) que les amitiés (#mespotesmavie). Mais bon, ça fait un peu court non ?

Ça tombe bien : notre psy et youtubeuse préf’ aka Mardi Noir a consacré un épisode vidéo de Psychanalyse Toi La Face à ce sujet. Et selon elle, la dépendance affective, c’est un truc plutôt normal à l’origine. C’est ce qui fait la base de nos liens en tant qu’êtres humains, de notre besoin de sociabilisation. D’ailleurs, quand on débarque sur terre, on a plus que jamais besoin des autres : de nos parents, de nos proches, qui nous aident à mieux comprendre le monde et à l’affronter. Ce seront ensuite nos ami·es, nos partenaires, ou notre famille choisie qui joueront ce même rôle… Alors c’est quoi le “problème” ?

 

Pour Mardi Noir, le truc potentiellement pathologique dans la dépendance affective, c’est autre chose : c’est quand on vire obsessionnel·le sur une relation ou une personne, à tel point qu’on a l’impression d’avoir besoin que l’autre nous manque pour exister. C’est ce qui nous ferait penser que l’on n’est rien sans l’autre, et que seul·e lui / elle pourrait venir nous compléter (...aka nous sauver).

Which means que selon elle, la dépendance affective ne consisterait même pas à être accro à une personne ou à une relation en soi, mais plutôt à projeter ses insécurités sur un “objet” donné. Et que grosso modo, le “problème” de la dépendance affective, ce n’est donc pas de se définir par les autres, mais seulement par UN·E autre. À tel point qu’on en deviendrait plus accro à une idée ou à un idéal qu’à une personne en soi. Et c’est à ce moment-là que, paradoxalement, on devient si obsédé·e par une relation… qu’on ne vit même plus dedans. Oups.

 

 

Est-ce qu’il y a un profil type pour la dépendance affective ?

 

Bon. Au risque d’en remettre une couche sur le côté disclaimer, la notion de dépendance affective n’étant pas “médicalement étayée”, il n’est pas possible de vous donner des faits gravés dans le marbre pour analyser votre propre profil. Néanmoins et selon cet article, la dépendance affective serait repérable grâce à des signaux types :

 

1/ une peur de l’abandon

2/ une jalousie excessive

3/ une incapacité à prendre des décisions seul·e (ou à faire des choses rien que pour soi)

4/ un manque d’estime de soi (qu’on tente, grosso modo, de réparer à travers la relation)

Ces éléments restent néanmoins à prendre avec des (grosses) pincettes, dans la mesure où ils peuvent aussi se manifester dans une relation toxique (#insécurité) ou violente (physiquement ou mentalement). Bref : dans autant de schémas relationnels qui peuvent mettre à mal l’estime de soi, sans que l’on puisse pour autant parler de “dépendance affective”.

 

Si le sujet vous intéresse, vous pouvez tout de même tenter ce petit test plutôt bien foutu du magazine Psychologies qui vous aide à mieux comprendre votre profil face à la dépendance affective (mais on vous prévient : c’est très hétéronormé !).

 

 

Pourquoi la dépendance affective est une question féministe ?

 

On ne va pas vous mentir, le sujet est tricky. Et pour s’attarder plus en profondeur sur ce qui fait que les femmes cis se construisent bien davantage dans leur rapport aux autres et à leurs relations que les hommes cis… il faudrait au moins 3 articles comme celui-là. Mais ça tombe bien, car c’est le sujet qu’aborde la philosophe Manon Garcia dans son passionnant essai On ne naît pas soumise, on le devient. Elle s’y attarde (entre autres) à décortiquer la figure de la “femme amoureuse” et ses paradoxes, particulièrement dans le cadre d’une relation hétéro.

À l’étude ? Les nombreux diktats et autres normes sociétales qui voudraient réserver au féminin (entre trente-six guillemets) le “Ministère” de la communication, des émotions, de l’amour, et des relations. Une forme de charge mentale relationnelle qui fait que dans les rapports hétéro, les femmes pensent plus la relation que les hommes… et ont donc tendance à plus s’impliquer intellectuellement et émotionnellement.

 

Parce que c’est bien de ce mythe dont il est question : celui de la femme amoureuse, omniprésent dans la culture et la pop-culture, qui nous sert en veux-tu en voilà des histoires de meufs désespérées tant qu’elles n’ont pas trouvé l’amour… et/ou insatisfaites ou insecure quand elles le trouvent “enfin”. À l’image de Bridget Jones, à la fois obsédée par l’idée d’avoir une relation amoureuse, puis par son partenaire, puis par le fait que sa relation ne fonctionne pas (etc, etc).

 

Selon Manon Garcia, “ce n’est pas l’homme individuel, ni la nature des sexes qui appelle un tel amour, mais la situation dans laquelle les femmes se trouvent”. Sous-titre : les femmes se construisent socialement dans une telle quête du rapport à l’autre, qu’il devient compliqué par la suite de sortir de ce genre de schémas sans passer par une bonne phase de déconstruction. De recherche d’autonomisation.

Parce que le problème en soi, ce n’est pas que Bridget aie envie de se maquer et de vivre une belle histoire avec quelqu’un (ça c’est très humain)... mais plutôt qu’elle soit la proie des clichés stigmatisants qui pèsent sur la figure de la femme célibataire. Tout comme le problème n’est pas que Blanche Neige attende son charming prince… mais plutôt qu’elle ne semble pas avoir d’autre objectif dans la vie.

 

Pour finir, on vous laisse sur cette citation qu’on trouve très parlante de Susan Sturdivant, Docteure en Psychologie Clinique et autrice d’ouvrages autour du féminisme et de la psychothérapie : “Il est nécessaire d’apprendre à s’accorder à soi-même la tendresse que les femmes ont traditionnellement nourrie pour les autres.” (#selfpartneredbitch).

 

Pour le dire autrement : comment réussir à penser ses relations et son rapport à soi (#selflove) quand on est habitué·E à se penser par rapport aux autres ? Vous avez 4 heures <3.