Self-care talk : c’est quoi la positivité toxique ?
Oxymore émotionnel
Si on vous a déjà servi du “Souris et tu verras, ça ira mieux” ou “Ça aurait pu être pire tu sais” quand vous étiez au plus mal à la suite d’une rupture, de la perte d’un job ou d’un accident, alors vous avez déjà fait connaissance avec la positivité toxique, aka la dictature du bonheur qui rejette tout sentiment désagréable et douloureux. L’idée ici : comprendre comment on peut faire du mal avec des pensées positives, et comment éviter de virer au discours toxique.
À la base, la positivité toxique pourrait ressembler à un remède aux pensées négatives et aux sentiments de tristesse ou d’angoisse : on chasse le mauvais et on le remplace par du bon. Sauf qu’en faisant ça, on n’améliore pas du tout l’état mental de la personne en face, on nie son mal-être #techniquedelautruche. Les conseils du genre « Si tu penses positif, tu n’attireras que du bon » ou « C’est pas en ressassant le négatif que tu vas avancer » silencent la détresse psychologique et apportent zéro soutien. Pire : ça culpabilise.
Si votre pote est dans un état de déprime après une rupture, lui dire qu’iel va vite s’en remettre c’est comme lui dire que si iel ne s’en remet pas assez vite, c’est parce qu’iel manque de volonté ou qu’iel n’est pas assez fort·e psychologiquement. Souvent, ça peut même donner l’impression qu’on doit se justifier d’être triste. Pas la meilleure méthode de soutien donc.
D’ailleurs si on y pense, on se rend rapidement compte qu’un « Vois le bon côté des choses » ou un gif de pingouin qui danse sous-titré Good vibes only ne va pas miraculeusement rendre une personne malheureuse bien dans sa peau et dans sa vie. Personne ne vous dira jamais : « Mais oui bien-sûr, je n’y avais pas pensé, ça va beaucoup mieux merci ».
La Dr. Daria Kuss, professeure agrégée de psychologie à l'Université Nottingham Trent et experte en psychologie émotionnelle, explique que ces petites phrases sont en fait le reflet de notre propre mécanisme de défense. Dans un article pour Refinery29, elle détaille : « Nous avons appris à faire usage de ce genre de phrases parce que c'est une façon simple de se sortir d'une situation inconfortable ; cela nous évite d'avoir à refléter le malheur d'une autre personne, ce qui nous permet d'induire un état de bonheur en nous plutôt que de ressentir ce qu'elle ressent ».
En gros : on coupe court à la conversation en chantonnant dans notre tête "Je vais bien, tu vas bien, tout va bien".
Mais ce dont votre proche qui a subi un trauma psy ou un événement douloureux a besoin, c’est surtout de s’épancher (aka que vous l’écoutiez sans forcément prendre la parole), et d’obtenir une validation de ce qu’il ou elle ressent, pour pouvoir l’accepter à son tour. Exemples de validation : « C’est totalement normal de ressentir ça dans ce genre de situation », « Tu devrais pouvoir prendre tout le temps qu’il te faut pour gérer les choses à ta façon » , « Tu es le/la mieux placé·e pour savoir ce dont tu as besoin, fais toi confiance ».
À ce sujet, la psychothérapeute Whitney Hawkins Goodman a recensé sur son compte Insta quelques phrases pour remplacer des expressions toutes faites (et toxiques), on vous les a traduites ici.
C’est aussi important de se rassurer sur un truc : reconnaître le mal-être de ses proches ou le sien ne veut pas dire renoncer à tout optimisme ou pensée heureuse. On peut à la fois être angoissé·e par une situation (exemple : la pandémie) ET reconnaissant·e de ce qu’on a (exemple : un appart sympa dans lequel retourner à 21h). Ce qui compte, c’est de ne pas rejeter une part de nos sentiments sous prétexte qu’ils sont moins agréables. Tout est valide, tout doit être écouté et entendu.
Cette étape de reconnaissance et d’acceptation des émotions désagréables chez soi et les autres est aussi très importante socialement parce que, par extension, la positivité toxique peut aussi impacter les luttes de justice sociale comme l’anti-racisme, comme le mentionne le psychothérapeute Noel McDermott dans un article de Slate. On s’explique : dans l’engrenage du “Je vais bien, tu vas bien, tout va bien”, dire à une personne noire, asiatique ou arabe qui se plaint des discriminations constantes qu’elle subit qu’elle doit “rester positive” c’est nier le racisme.
Same pour les « Ça aurait pu être pire » envoyés aux personnes en situation de handicap qui doivent vivre au quotidien dans une société pensée pour les valides.
Pour ne pas tomber là-dedans, on observe les 3 étapes mentionnées plus haut : écouter, accepter les émotions de l’autre et soutenir avec empathie. Et on n’hésite pas à faire tourner cet article si on se sait victime de positivité toxique de la part de ses proches ;).