Du toxique pathologique au toxique-partout-logique

 

Bien sûr qu’il existe des troubles de la personnalité. Bien sûr qu’on ne remet pas en question l’existence des pervers·es narcissiques (quoiqu’iels s’avèrent parfois être simplement de grosses enflures, comme on vous en parlait déjà dans cet article). Bref : notre objectif n’est en aucun cas de minimiser des situations de souffrance ou de violences qui pourraient être vécues par certain·es d’entre vous en lisant cet article. Non. Vous pouvez d’ailleurs retrouver un petit guide des comportements toxiques et de comment les repérer en jetant un œil par ici.

 

Notre idée : mettre en débat l’expression la plus hot du moment, aka la fameuse « personne (ou situation) toxique ».

 

Et parce que vous savez qu’on n’aime pas trop céder à la facilité, on a eu envie de se demander : c’est quoi une personne toxique et pourquoi on emploie ce terme à tort et à travers ? Et surtout, est-ce qu’on ne serait pas finalement toujours le con toxique de quelqu’un·e ?

Qui est le toxique de qui ?

 

Chose promise, chose due, c’est l’heure de lancer le clip du fameux Toxic de Britney (et de balancer la traduction en simultané).
 

Ce qu’on y apprend ? Ce qui est toxique, ce n’est pas forcément la personne, mais plutôt la situation.

 

Ceci étant dit (vous vous doutez qu’on n’allait pas en rester là) : si on emploie si souvent ce terme, c’est précisément parce que les situations toxiques sont (très) nombreuses… On évoque d’ailleurs ce sujet dans notre article très à propos sur le pourquoi du comment on est toujours attiré·es par les mauvaises personnes.

Toxique partout, amour nulle part ?

 

Le contexte est donc posé : le terme « toxique » est partout pour la simple et bonne raison qu’il raconte quelque chose de ce que nous sommes en train de vivre. De la manière dont nous relationnons aujourd’hui.

 

Alors bien sûr, on pourrait y voir un simple symptôme du courant de pensée psycho-new-age-etc qui a une certaine tendance a employer le mot healthy jusqu’à l’abus, comme le souligne très bien l’autrice Mardi Noir dans son livre Êtes-vous bien sûr d’être normal ? (Éd. Flammarion, 2021)

 

Si ce terme est si utilisé, c’est parce que nous vivons dans une époque où, dans nos communautés militantes ou tout simplement amicales, nous ne voulons plus laisser passer l’inacceptable. Et c’est une forme de lutte quelque part. Une manière de dire « ras le bol du toxique partout, on se lève et on se barre ». Et si ça permet de modifier en profondeur nos manières de relationner avec respect et affection, alors franchement on vote plutôt pour.

Docteur, est-ce que je suis toxique ?

 

Dire que quelqu’un est toxique, c’est poser ses limites. C’est dire que la situation ne nous convient pas en l’état. Mais voilà : la réciproque est vraie aussi. Ce qui veut dire que oui, parfois, on est la personne toxique de la situation. Et ça ne veut pas dire qu’on est quelqu’un de toxique tout court, non. Ça veut juste dire qu’une personne en face de nous est en train de manifester ou d’exprimer ses limites.

 

(Et en parlant de limites, comme précisé plus haut, discuter de l’utilisation du mot « toxique », et se demander si il ne nous reflète pas un peu toustes, ne veut en aucun cas dire qu’il ne définit pas de véritables situations ou personnes problématiques voire violentes).

Le « toxi-quing en abus » ?

 

Ouais, on vient littéralement d’inventer cette expression : toxiquifier quelqu’un·e. Aka selon la définition du petit Robert-Tapage : v. fam. Décréter qu’une personne est toxique et qu’elle ferait mieux de hors de votre vue rapido.

 

Soyons claires : on parle d’abus ici par amour du débat, mais on sait bien que le plus souvent, si on toxiquifie quelqu’un·e, ce n’est clairement pas pour R.

 

Maintenant qu’on a dit tout ça, have you heard of le gate keeping ? C’est un terme qu’on utilise dans les communautés militantes essentiellement pour désigner des personnes qui, littéralement, « gardent la porte fermée ». Exemple : Dans les communautés queers, certaines personnes peuvent être accusées de gatekeeping en différenciant les pratiques queer « correctes » des « pas assez queers ». L’idée derrière étant d’appliquer des barrières à l’entrée pour « protéger » la communauté. Le sujet n’est pas nouveau, comme en témoigne cet excellent article d’Urbania. 

 

Le truc qui cloche ? C’est qu’à considérer des personnes comme toxiques parce que « non-conformes aux codes d’une communauté », on prend le risque de se comporter soi-même de manière excluante. Exemple classique : l’outrageux classisme (et on vous en en passe) de certaines féministes blanches qui prennent de haut celles qui n’ont pas le « féminisme qu’il faut », comme en témoigne très bien Roxane Gay dans son livre Bad Feminist (Éd. Harper Perennial, 2014).

 

On terminera sur cette fameuse anecdote qui prouve bien que le phénomène de toxification d’une personne peut se produire sur des bases plutôt hasardo-alarmantes : do you know about les gens qui refusent les Capricornes et les Gémeaux dans leurs recherches de colocs ? Si, si, ça existe et promis, on ne vous juge pas si vous en faites partie.

On fait quoi quand c’est toxique ?

 

Spoiler alert : il n’y a pas de recette magique ou de ligne de code à balancer pour trouver la bonne manière de gérer la situation. Mais plusieurs pistes et idées peuvent vous être utiles.

 

Déjà, qui dit relation toxique dit relation tout court… Et si vous jetiez un œil à notre article sur la théorie de l’attachement qui vous parle justement de comment vous gérez votre attachement aux autres ?

 

Ensuite, deux choses : soit vous êtes dans une situation avec, disons, un·e ami·e, que vous considérez comme ayant un comportement toxique ; soit vous êtes vous-même dans une situation où l’on vous fait le reproche de ne pas vous comporter de manière « respectueuse ».

 

Que ce soit dans le premier ou dans le deuxième cas, dites-vous bien que le plus souvent, c’est surtout la personne en question qui vit une situation devenue toxique pour elle et que par extension, le bordel (ouais, appelons-le comme ça), est devenu toxique pour ses proches.

 

Alors partant de là, on peut choisir de rester et de se battre pour les personnes qui en valent la peine. Ou à l’inverse, leur donner des raisons/explications de rester et de se battre pour nous. De tenir bon le temps que ça se tasse.

 

Mais on a aussi le droit de se retirer. Le droit de poser ses limites (les fameuses, donc), et de décréter « cette situation est toxique pour moi et ne me fais pas de bien je vais prendre un peu mes distances et te remercie de respecter mon espace (♯biencordialementbisous) ».

I. Maalèj