Comment on se retrouve sous pilule ?

 

Celles qui m’ont répondu l’affirment : on leur a présenté la pilule comme la seule solution à leurs galères. Zéro infos sur les alternatives, ou les effets secondaires. Pour Marion, 36 ans, qui a commencé à 19 ans, « C’était le seul truc qu’on donnait à l’époque. Je l’ai prise pendant plus de dix ans ».

 

Si certaines voulaient se contracepter, c’est loin d’être la seule motivation pour les ados : Céline, 26 ans, l’a choisie au lycée pour lutter contre son acné. « C’était devenu trop compliqué pour ma confiance en moi, donc j’ai commencé en prenant Diane 35. Pendant pas mal de temps ça me convenait : ça a fait du bien à mon acné et donc à mon estime de moi. Pendant à peu près trois ans, c’était bien et ça me permettait d'être protégée ».

Pareil pour Nawal, 31 ans, obligée d’être sous pilule à l’adolescence pour pouvoir prendre du Roaccutane, un traitement hardcore contre l’acné. Je le connais bien car je l’ai aussi pris en troisième, mais il vient avec des contraintes très reloues : « J’avais 16 ans et pas de relations sexuelles mais on m’a dit que j’étais obligée de faire un backup contraceptif, parce que si tu tombes enceinte c’est hyper dangereux. C’était l’époque où on ne te demandait pas ton avis. On te fout dedans et basta quoi ». Flash info : toustes les ados ne font pas l’amour et les filles sont capables de ne pas tomber enceintes sans pilule, pour peu qu’on leur donne accès à une éducation sexuelle correcte. Infantiliser, mal informer et ne pas écouter n’est pas le combo idéal pour prescrire un médoc’ sur le long terme.

 

 

Effets secondaires, méga galère

 

Car ces pilules prescrites pour la contraception, la régulation hormonale ou de façon arbitraire peuvent avoir des conséquences qui ne déconnent pas. Chiara, 24 ans, sous pilule à 18 ans, se souvient de sautes d’humeurs intenses : « Ça me faisait aller au fond du trou. Je me suis demandée si j’étais en dépression, alors que j’adorais la vie que je m’étais choisie. J’ai mis du temps à comprendre que c’était ma pilule ». Car à cause du manque de prévention, pas toujours simple de relier ses galères aux médocs.

 

Nawal a dû gérer des symptômes en apparence aléatoires : « J’ai pris 10 kilos en six mois, j’avais des douleurs à la poitrine... Tu ne fais pas tout de suite le lien car personne ne t'en parle, les médecins non plus. Je dirais qu’en 2008, on n’avait pas d’infos sur ces sujets-là. La parole était moins libérée, il y avait peu de ressources sur Internet ». Cette prise de poids a été complexe à gérer, rien d’étonnant dans notre société grossophobe. Nawal a aussi traversé des états dépressifs et anxieux -au point de prendre des anxiolytiques- et des migraines récurrentes.

Les migraines de pilule, c’est un classique. Céline connaît bien aussi, c’était son symptôme principal version vener : « J’étais une grosse migraineuse. Ça a impacté ma scolarité car je ne pouvais plus sortir de chez moi. J’ai même eu des migraines avec aura, c'est-à-dire avec troubles de la parole et de la vision. Ces symptômes ressemblent à un AVC, c’était effrayant. Je n'en ai pas eu beaucoup comme ça, heureusement. Mais c’était compliqué socialement, des migraines quand tu sors, que tu bois un peu, que tu es fatiguée… ». Si on ajoute à ça des mycoses et des douleurs pendant les rapports, c’est que du fun.

 

 

A l’arrêt, ça respire

 

Pour certaines, stopper la pilule est le best plan ever. L’idée est venue d’un coup à Marion, franchement célibataire et sur le départ pour Amsterdam. « Je me souviens très bien de me réveiller un jour et me dire j'arrête, je veux que mon corps fasse son travail sans être contrôlé par l’extérieur. J’ai dit à ma gynéco : ‘J’ai envie d'être complètement moi-même.’ Et si j’ai des règles abondantes ou irrégulières, bah c’est moi ! Je préfère ça plutôt que de me réguler avec des cachets qui me font des moments de down. Je me suis sentie complètement libre. Je ne regrette pas du tout ».

 

Même ressenti chez Angèle, 23 ans : « Ça a été un changement radical : la dépression s'est envolée, j'ai découvert la libido (incroyable). J'ai eu l'impression de reprendre le contrôle à la fois sur moi-même et dans ma relation de l'époque. Ce qui a mené à la rupture, et j'en ai été très satisfaite. J'ai eu l'impression de faire quelque chose de féministe, ça m'a fait beaucoup de bien ». Go queen. Pour Chiara aussi, le résultat est net : « J’ai complètement arreté de broyer du noir ».

Nawal a vu ses soucis disparaître en quelques mois et son SPM est gérable. Pareil pour Céline, dont le cerveau a dit stop : « J’ai commencé à oublier ma pilule tout le temps, car mon corps n’en voulait plus. Je ne peux pas affirmer avec des preuves scientifiques que c’était lié à ça, mais absolument tous mes symptômes ont disparu quand je l’ai arrêté ». Coïncidence ? Mouais mouais...

 

 

Chacun·e sa méthode of course

 

Pour trouver la bonne contraception, Chiara s’est intéressée elle-même aux alternatives comme le stérilet en cuivre, souvent refusé aux femmes célibataires ou sans enfant. A cause de la douleur à la pose, askip insupportable si on a pas accouché (peut-être qu’on pourrait juste prescrire des antalgiques ?), du risque d’infection si on attrape une IST… Nawal, qui a aussi voulu en mettre un, dénonce des motivations souvent sexistes : « La société partait du principe qu’un jour j’aurais des enfants et donc que ce n'était pas une option. Mais à 31 ans j’ai affirmé que je ne voulais pas d’enfant. C’est là qu’on m’a dit ok et qu’on a écouté mes choix »

 

Of course, le stérilet en cuivre, l’implant hormonal et compagnie ont tous des risques d’effets secondaires. Tout comme la pilule peut être un bon plan : si j’aimerais bien que la science prenne la peine de chercher un traitement au SOPK, je suis contente d’avoir une minidosée que je supporte bien pour contrer les symptômes. Ce qui doit aller à la poubelle, c’est le manque d’information et l’absence de suivi psy des patientes pour proposer un plan adapté. Clairement, ça bouge depuis quelques années, mais des tonnes de femmes galèrent encore sur ce sujet.

Bon du coup, c’est quand que les hommes s’intéressent massivement aux slips chauffants ?

 

Claire Roussel