Parce que plein de gens sont tombés dans le panneau

 

On va pas se mentir : comme le remarque la journaliste Nadia Daam dans le docu, quasiment tout le monde a été influencé par le traitement public d’Amber Heard. Repensez aux moments où le procès était évoqué en soirée ou au taff, et aux réactions des gens, ou à ce que vous pensiez peut-être après avoir visionné des contenus anti Heard. Pas étonnant : La Fabrique du mensonge démontre que des milliers de militants masculinistes ont littéralement organisé une méga campagne de diffamation, parfois avec la complicité de l’avocat de Depp.

 

La stratégie des mascus était d'inonder les réseaux avec leur contenu, c’est l’ex directrice du Conseil de la Désinformation de la Maison Blanche qui le dit. Donc si on voulait se renseigner, on avait plus de chance de tomber sur leurs idées, poussées par les algorithmes. Genre sur TikTok où le hashtag #justiceforjohnnydepp compile 21,8 milliards de vues contre 155 millions de vues pour #istandwithamberheard.

Vu cette orga très efficace et le retournement de l’opinion publique, peu de gens ont osé parler du traitement de Heard par peur de se faire défoncer. Parmi quelques exceptions, on retrouve @olympereve et Rose Lamy aka @preparezvouspourlabaguarre, qui était dans le fight dès le départ. On avait aussi dénoncé la situation dans un post Insta, ce qui a mené à des centaines de commentaires à modérer #vivementleweekend.

 

 

Parce que c’est blindé de faits

 

Le documentaire se concentre sur des faits sourcés et pas sur le sensationnalisme. Eléments du dossier judiciaire, témoignages d’expert·es des médias/du numérique/du féminisme et de personnes concernées par l’affaire, récap chronologique des événements… Ce combo permet de capter dans le calme les mécanismes qui ont influencé notre vision du procès. Comme le traitement médiatique sadique (où des millions de gens s’amusent sur le temoignage d’un viol conjugal), l’orga des masculinistes, les fake news diffusées en masse par des médias, le mythe de la “bonne victime”…

 

 

Parce que c’est que le début

 

Flash info relou : les plaintes en diffamation comme celle de Depp pleuvent en ce moment. Genre avec Patrick Poivre d’Arvor, qui traîne 16 de ses 20 accusatrices connues devant les tribunaux français (dont la journaliste et scénariste Hélène Devynck, qui participe au débat de La Fabrique du mensonge).

Même si ce procès a peu de chances d’être aussi suivi que celui de Depp et Heard, les “procédures baillon” visant à terrifier les femmes qui parlent dans une ère post Me Too ne vont pas s'arrêter. Comprendre leur contexte et comment les RS peuvent influencer l’opinion publique et judiciaire, c’est la base pour encourager la justice à faire son taff correctement. Déjà que c’est rare

 

 

Parce que le cyberharcèlement concerne everyone

 

Les femmes prennent tarif avec le cyberharcèlement : elles sont 27 fois plus susceptibles de le subir que les hommes. C’est pire quand elles sont lesbiennes, féministes assumées ou racisées : un tweet sur dix qui mentionne une femme noire est abusif. Le but de ce mécanisme ? Virer les paroles féminines et féministes de l’espace public que représente Internet. Ce qui est arrivé à Amber Heard -qui vivrait en Espagne sous un faux nom pour échapper à la haine- est une version amplifiée de ce phénomène qui nous concerne toutes. Pour capter ça, on vous conseille aussi le docu #SalePute de Florence Hainaut et Myriam Leroy.

 

 

Parce que oui, c’est positif

 

On est loin du monde des bisounours, mais l'existence de ce docu est une bonne nouvelle. Parce que “seulement” neuf mois après ces campagnes de désinformation, on propose une autre narration sur une chaîne hyper suivie. Si on compare par exemple à l’affaire Bertrand Cantat, où il a assassiné l’actrice Marie Trintignant en 2003, on a dû attendre des années avant que la romanticisation de ce meutres soit contestée à grande échelle. L’affaire Depp/Heard est aussi contextualisée dans les enjeux sociétaux actuels grâce au débat après le documentaire.

 

Lentement, mais sûrement, les outils d’analyse féministes se diffusent. C’est pas gagné, mais on avance. Pour contribuer à ça, on peut déjà regarder le docu en replay, gratuitement.


Claire Roussel