5 stats à avoir en tête sur le sexisme en France
et comment le combattre
Le mood était bof, le 23 janvier dernier. Parce que c’était un lundi le Haut Conseil à l’Egalité a publié son rapport annuel sur l’état des lieux du sexisme en France, et c’était pas beau à voir. Sur une quarantaine de pages, on a croisé des stats qui nous ont fait grogner sans surprise, d’autres qui nous ont fait bondir, et d’autres qui nous ont donné -oserons-nous le dire ?- un peu d’espoir quand même. Débrief du problème, et des solutions.
33% des femmes ont déjà eu un rapport sexuel suite à l’insistance de leur partenaire, alors qu’elles n’en avaient pas envie
Reposons les bases : un rapport sexuel non consenti avec pénétration est un viol. Sans pénétration, c’est une agression sexuelle. On peut ajouter que 7 % des femmes sondées ont eu un rapport sexuel non consenti sous l’emprise d’alcool ou de drogue (12 % pour les 18-24 ans) et que 4 % ont déjà eu un partenaire qui a retiré son préservatif sans demander leur accord. Ce type de pénétration non consentie s’appelle du stealthing, et est condamné en Australie, en Allemagne, au Canada, en Nouvelle-Zélande, et en Suisse. Des chiffres difficiles, mais pas surprenants quand on voit l’ampleur de Me Too.
Ça nous rappelle l’importance d’éduquer à la notion de consentement - qui by the way, n’est toujours pas inscrite dans la loi française - dès le plus jeune âge. Sauf que : l’asso Nous Toutes a démontré dans une enquête que seulement 13% des cours d’éducation sexuelle, obligatoires depuis 2001, étaient dispensés aux jeunes. Une base essentielle, mais complètement zappée.
23% des hommes de 25 à 34 ans affirment qu'il faut parfois être violent pour se faire respecter
Contre 11% en moyenne. Ça, c’est la stat inattendue mais reloue. Parce que si les jeunes générations sont de plus en plus féministes, on sent une tendance mascu qui s’active en réaction. Cette glorification de la virilité toxique est boostée par les influenceurs masculinistes, qui engendrent des milliards de vues. Ils n’existaient pas pour les boomers, tout simplement parce que les réseaux sont une invention récente. D’ailleurs, les "raids" antiféministes - des attaques organisées par des groupes contre une femme avec menaces et insultes - se multiplient en ligne pour dissuader les femmes de prendre de l’espace. On recommande le docu #SalePute et cette émission gratos pour capter.
Chez les hommes âgés, le patriarcat se décline plutôt en conservatisme : 47 % des hommes de 65 ans et plus trouvent normal que les femmes prennent plus soin de leur apparence (contre 35 % en moyenne). En général, 29 % des hommes estiment qu’ils perdent leur pouvoir. Ça monte à 38 % dans les villes de droite ou avec une forte appartenance religieuse.
40% des femmes censurent leurs propos par crainte de la réaction des hommes
“On PeUt pLuS RiEn DiRe”, non Jean-Michel, tu ne peux plus nous la faire après cette stat. Près de l a m o i t i é des femmes françaises n’osent pas exprimer leurs ressentis face aux hommes, et 41% font gaffe à ne pas parler trop fort par peur de se prendre une remarque sexiste. Manquerait plus qu’on prenne de la place et qu’on ait un avis hein ?
Cette censure - une “seconde charge mentale” dixit le Conseil - ne se limite pas aux discours : ça touche aussi les fringues (52% des sondées n’osent pas s’habiller comme elles veulent), les activités en solo (55% y renoncent) et les trajets (80% ont peur de rentrer chez elles le soir). Pour éviter de potentielles violences, les femmes se restreignent h24. On le savait, mais ce reminder chiffré reste agaçant.
16 % des hommes pensent encore qu’une femme agressée sexuellement peut en partie être responsable de sa situation
Pensons positif. Il y a 16% de crétins, mais 84% qui ont capté. C’est une victoire. Dans l’émission C Ce Soir, la journaliste Lauren Bastide reconnaît l’importance de ce rapport tout en restant optimiste : on ne vit pas un backlash irréversible, ces problèmes existent depuis mille ans, juste là on a les chiffres. C’est important de rappeler que les mentalités changent aussi en bien, sinon c’est le seum général.
Mais c’est pas non plus gagné : les hommes refusent de reconnaître que le problème est systémique, avec 7 hommes sur 10 qui considèrent qu’on généralise avec «les hommes sont tous sexistes». Autre galère : si 37 % des femmes ont déjà vécu une situation de non consentement, seulement 12 % des hommes assument qu’ils ont déjà insisté pour avoir un rapport sexuel alors que leur partenaire n’en avait pas envie #lescalculssontpasbons.
82 % des gens veulent que la lutte contre le sexisme devienne une priorité des pouvoirs publics, mais…
Enthousiasmant mais ironique, quand on voit que beaucoup d’hommes et de femmes soutiennent des stéréotypes sexistes : 50% des femmes et 62% des hommes considèrent que les femmes sont naturellement plus douces que les hommes. Sauf que le genre est une construction sociale qui n’a rien de naturel (pour capter ça, go lire Futur·es). Même souci pour la répartition des rôles : seulement 49% des femmes et 37% des hommes trouvent que c’est problématique qu’une femme cuisine everyday pour toute la famille... Ces stats révèlent une société paradoxale, où on réprime le sexisme dans l’idée, mais bof dans les faits.
Des tonnes de pistes existent pour faire avancer la situation. Le Haut Conseil à l’Egalité liste toutes ses solutions ici, mais on vous fait un récap’. On peut commencer dès la naissance et dégenrer les jouets. Pour l’école, on peut garantir les cours sur la vie affective et sexuelle, représenter les femmes correctement dans les programmes et monter un plan pour orienter les filles vers des carrières perçues comme masculines. Au taff, on peut obliger les entités publiques et privées à non seulement mettre des moyens contre le sexisme, mais en plus prouver qu’il y a des résultats (salaires égaux, parité…), et rendre les formations de sensibilisation au sexisme obligatoire pour toustes.
Dans les médias, au ciné et sur les réseaux, on peut virer les représentations dégradantes des femmes et réguler pour de vrai le harcèlement en ligne. Pour lutter contre les violences, on peut garantir une permanence d’accueil des victimes dans chaque commissariat, et former tous les professionnels de justice et de santé à accueillir les victimes correctement, ce qui arrive trop rarement. Enfin, on peut assurer un accompagnement médical et psychologique gratuit à toutes les femmes victimes de violence.
Les solutions sont là. Aux pouvoirs publics et aux entreprises de les appliquer, et aux citoyen·nes de mettre la pression pour que ça soit fait.
Claire Roussel