#1 Comment réagir au harcèlement de rue ?

avec Alizée Vincent

 

C’est l’un des visages les plus évidents et violents du sexisme ordinaire : descendant direct de l’impunité masculine et de la philosophie du « y a plus de respect », le harcèlement de rue nous concerne toustes, puisque selon cette étude Ipsos, 81% des femmes en France ont déjà été victime de harcèlement sexuel dans les lieux publics. Plus inquiétant encore : 86% des gens ne savent comment réagir s'iels sont témoins de harcèlement. Alors on fait comment ?



Les conseils d’Alizée Vincent

Dans son texte Hé, Mademoiselle !, l’autrice et journaliste nous explique que s’il y a bien un truc qu’on ne peut pas retirer au harcèlement de rue, c’est qu’il constitue « un merveilleux terrain de créativité ». Autant pour nos éventuels harceleurs qui rivalisent d’ingéniosité pour faire dans le sexisme bienveillant... que pour celleux qui auraient la possibilité ou l’envie d’y répondre parce que ça va bien deux minutes de tout laisser passer. Which means qu’on n’est pas obligé·es de la fermer, et que si les circonstances le permettent (aka qu’on en a la force ou qu’on n’est pas potentiellement en danger), on a même carrément un droit de réponse. Quelques idées à mettre en pratique à ce sujet :

 

Niveau 1. Dire : « ce que vous faites, Monsieur, s’appelle du harcèlement de rue ». C’est l’idée qui consiste à nommer / décrire la situation de harcèlement pour faire prendre conscience à la personne en face de soi de la violence de son acte. Rapide et efficace, si vous vous sentez d’humeur pédago.

 

Niveau 2. Exprimer ses émotions, en disant par exemple : « Ce que vous faites me met mal à l’aise » ou « non je ne suis pas d’accord ». De quoi permettre également à d’autres personnes alentour, dans les transports par exemple, de saisir que vous avez besoin d’aide.

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Niveau 3. Rappeler la loi… ou carrément l’inventer. Coût d’une amende pour harcèlement à la clé. Bonus : proposer d’aller au commissariat ensemble pour constater l’infraction, si besoin (...même si dans le fond, on y croit moyen moyen).

 

Niveau 4. Faire dans l’humour, selon l’inspiration du moment. Pour que ça marche, ne pas hésiter à tabler sur la fragilité masculine (héhé), par rapport à la thématique des menstruations par exemple. Une technique qui a le mérite de nous épargner de trop monter en pression, parce que prendre le temps de s’énerver contre tous ceux qui nous emmerdent, c’est potentiellement se foutre en rogne et se pourrir la journée.

 

Ces conseils ne sont bien sûr pas forcément applicables à toutes les situations : enfoncer ses écouteurs dans ses oreilles et avancer sans se retourner fonctionne tout aussi bien, vous-même vous savez. Dans tous les cas, que ce soit clair : on ne va certainement pas faire peser sur les épaules des harcelé·es le poids de devoir éduquer leurs harceleurs. On fait d’son mieux, comme on peut, et quand on peut, SVP. :)



#2 Comment dépasser les commentaires et aprioris sexistes sur nos poils ?

Avec Klaire fait Grr

 

Il suffit de s’arrêter deux minutes sur la question de la pilosité « féminine » pour constater la médiocrité de ce débat (...qui n’en est pas vraiment un).

 

D’ailleurs, est-ce que quelqu’un est capable de fournir de vrais arguments pour défendre l’idée selon laquelle « les poils sur une femme c’est pas beau / c’est sale / ça fait négligé (...) », sans se prendre les pieds dans le tapis ? A priori, non. Tout simplement parce qu’il n’y a aucun argument pour justifier ce genre de discours, si ce n’est un sexisme crasse. Comme le dit très poétiquement et ironiquement Klaire fait Grr : « Quand la Sage lève le poing, l’Idiot commente ses aisselles ». Autrement dit : vous avez peut-être un Doctorat en Sciences Sociales, mais si vous avez oublié de vous épiler, il y a de grandes chances que ce soit de ça dont on vous parle. On marche sur la tête, nan ?

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Les conseils de Klaire fait Grr

Au-delà de vous fournir de la punchline humoristique type : « c’est pas mes poils qui puent mais ta bouche quand tu dis de la m***** » ou encore « si tu es jaloux de mes poils, je peux t’en offrir à te coller en moustache », le point de vue de l’autrice est de dire que la seule manière de déconstruire ces injonctions, c’est de comprendre comment les poils fonctionnent. Le sexisme ordinaire sponso haine du poil a beau être une machine bien huilée, qu’a-t-il à répondre face à des arguments scientifiques de bon sens ? Parce que oui : nos poils nous veulent du bien, et ils nous protègent (du froid comme des infections). D’autres arguments bien fondés ? Rendez-vous sur notre article dédié.



#3 Que répondre à la phrase « T’as tes règles ou quoi ? »

Avec Élise Thiébaut

 

Ah ça, elles ont bon dos les règles. C’est un des sujets les plus stigmatisés dans nos sociétés. Et sexisme ordinaire oblige, ça marche à double tranchant et à double peine pour les concerné·es. La preuve : si vos règles vous font mal ? « Vous exagérez, c’est pas grand chose quand même ». Si vous êtes de mauvais poil ? « C’est sûrement à cause de vos règles, vous qui êtes si fragile ».

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En fait, on en arrivé·es à un point où le sujet des règles et du cycle menstruel avance vraiment à deux vitesses. D’un côté les militant·es et personnes concernées œuvrent pour visibiliser ce sujet et les souffrances éventuelles (psychiques et physiques) qu’il occasionne. Tandis que, de l’autre, les défenseur·ses des discours essentialisants s’appuient sur ces arguments pour dire que « nianiania, si vous êtes en vrac tous les 28 jours et que votre SPM est si violent, comment est-ce qu’on pourrait compter sur vous ? ». Relou relou.

 

Les conseils d’Élise Thiébaut

L’objectif de l’autrice n’est pas du tout d’invisibiliser les souffrances que le cycle menstruel peut occasionner chez les concerné·es. Mais faites le calcul : si vous avez vos règles en moyenne tous les 29,5 jours, que vos règles durent environ 5 jours, et que le SPM peut commencer jusqu’à 10 jours avant les règles, la probabilité que quelqu’un vous dise « t’as tes règles ou quoi ? » en tombant juste est très élevée. Simple, basique, mathématique. Mais que faire de tout ça ?

 

Déjà, comprendre que ce n’est pas parce que vous êtes en plein SPM et que vous êtes contrarié·e que vous devez minimiser ce que vous ressentez. SPM ou pas, règles ou pas, vous avez peut-être (sans doute !) des raisons parfaitement légitimes de vous énerver : « Des raisons qui vous appartiennent. Des raisons qui mériteraient un peu plus de considération ». Elle cite à ce sujet Robyn Stein DeLuca, une psychologue étasunienne qui a démontré que le lien que nous établissons entre les règles et notre état psychique relève de l’autosuggestion. En d’autres mots : « Plus on est disposée à penser que cycle détermine notre humeur, plus en effet notre humeur varie en fonction de nos règles ». On vous laisse méditer là-dessus.

 

Ceci dit, cela ne veut pas dire (bien au contraire), que le SPM ou le TDPM (aka Trouble Dysphorique Prémenstruel) ne sont pas des réalités. Mais il s’agirait plutôt, pour déplacer le curseur, de s’intéresser au fait que les hommes cisgenres ont eux AUSSI un cycle hormonal quotidien, au cours duquel ils vivent des pics de testostérone connus pour affecter l’humeur. Encore « mieux » : il leur faudrait à peu près 70 jours pour fabriquer « une cohorte de spermatozoïdes en état de marche ». Et pourtant, a-t-on déjà dit à un collègue / pote / mec : « Je te trouve bien tendu tout à coup, tu serais pas en train de nous faire une overdose de spermatozoïdes ? ». Non. Alors gardez bien ça en tête pour le prochain qui osera vous faire le coup du « t’as tes règles ou quoi ? ».



#4 Comment répondre à l’humour sexiste ?

Avec Lauren Malka

 

Oh, c’est pas grand chose. Juste une petite phrase balancée à la volée comme ça, qui fait rire tout le monde… à vos dépends. Par exemple, pour Lauren Malka, c’est le moment où elle doit partir à Bruxelles pour son boulot avec des collègues masculins, et que son boss lui demande avec lequel des deux elle veut coucher pour qu’il puisse réserver les chambres. Comme si c’était normal de jouer en pleine réunion « à qui va coucher avec la seule meuf de l’équipe ». Ça fait froid dans le dos, mais ce genre de situations arrive trop souvent. Alors on fait comment ?

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Les conseils de Lauren Malka

Pour mieux déboulonner ce genre de comportements, l’autrice et podcasteuse se lance dans une analyse des mécanismes de l’humour. Elle nous explique que ce sont généralement les mêmes procédés rhétoriques qui sont utilisés pour nous réduire au silence, aka le combo « sexisme à l’ancienne » et « immunité comique ». Ce qui signifie que ce genre de « blagues » s’appuient sur des mises en scène vieilles comme le monde : elles font appel à un sexisme ancestral qui a fait rire pendant des millénaires (en mettre plein la gueule des meufs à toujours été un sport mondial), flattent le concept du boys’ club au passage (#solidaritémasculine), tout en utilisant l’humour comme « carte d’immunité » (aka le fameux « on ne peut plus rien dire »). Si c’est bien ficelé ? Malheureusement, oui. MAIS à coeur vaillant rien d’impossible, donc vous pouvez :

 

Rappeler à la personne qui vient de faire une blague sexiste que depuis 2018, ce type de comportement (que l’on appelle juridiquement des outrages sexistes) est passible d’une amende ou d’un stage de lutte pour l’égalité. C’est ce qui s’appelle casser l’ambiance en beauté (#bienjoué).

 

Surenchérir en disant un truc encore plus dégueulasse, selon l’inspiration du moment. L’autrice cite à ce sujet Virginie Despentes, qui considère qu’on peut « décontenancer son adversaire en allant encore plus loin que lui ».

 

Jouer la carte de l’ironie, en balançant une réplique ou une punchline bien théâtrale. Assaisonner le tout d’un : « oh ça va, si on ne peut plus rien dire », puis partir l’air entendu en claquant la porte et en laissant l’autre méditer sur le sujet. Retournement de situation : check.



#5 Comment réagir face au mansplaining ?

Avec Pauline Harmange

 

Le mansplaining (aka mecsplication, en français), c’est le terme qu’on utilise pour désigner les situations où les femmes et minorités de genre se font expliquer la vie par des mecs (cisgenres, et généralement blancs, pour ne rien gâcher). Typiquement, et comme le raconte Pauline Harmange dans son texte, c’est ce moment où, au cours d’un dîner qu’elle a préparé de A à Z, un type qui n’a pas levé le petit doigt de la soirée vient en cuisine pour lui expliquer comment on fait une vinaigrette. Et vraiment, il fait ça pour être sympa, il est de bonne foi. Mais y a de quoi péter un câble, vous en conviendrez.

 

Les conseils de Pauline Harmange : citons pour commencer la féministe Rebecca Solnit, qui décrit le mansplaining comme « un mélange d’ignorance et d’excès de confiance en soi ». En d’autres mots et comme l’explique l’autrice, c’est « une façon pour les hommes de briller en société à moindre coût ». Un peu d’audace, un peu de médiocrité, et vous tenez le cocktail originel de ces comportements.

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Ce que vous pouvez faire :

 

Poser des questions qui confrontent le mansplainer à son comportement. Lui demander quelle expertise il a sur le sujet. Lui faire remarquer qu’il vient de répéter à la lettre un propos qu’on défend depuis 15 minutes, en se l’appropriant. Ou encore le questionner sur ce qui fait qu’il se sent légitime à vous expliquer comment vous vous sentez.

 

Former une coalition féminine… ou adelphique. Sororité et adelphité vaincront : vos potes, vos collègues, vos camarades de lutte… Parlez-en avec les personnes qui vivent le même type d’oppression. Et faites tourner les conseils et idées pour en finir.

 

Pratiquer l’indifférence. Dernier point et pas des moindres : l’injonction à la pédagogie, c’est non. Ce type vous a saoulé et vous avez la flemme de répondre ? Ne répondez pas. Ignorez-le. L’indifférence est le pire des mépris, vous-même vous savez.



#6 Comment réagir aux commentaires sexistes ET racistes ?

Avec Kiyémis

 

« Tu dois être une panthère au lit » ou encore « J’ai jamais couché avec une black » : autant de phrases que les femmes noires entendent souvent - notamment à l’heure des applications de rencontres - comme l’explique l’autrice et poétesse afroféministe Kiyémis. En cause ? Des clichés et fantasmes aussi sexistes que racistes, qui perpétuent la vision éxotisée et animalisée des corps noirs, qui date de l’époque coloniale et esclavagiste.

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Les conseils de Kiyémis

Difficile (et épuisant) de donner un cours de décolonisation par précaution à chaque potentiel ex-futur-crush pour s’épargner ce genre de commentaires. Mais pas possible pour autant d’ignorer leur omniprésence ou de les laisser passer. Alors comment on fait ?

 

Pour Kiyémis, tout dépend du contexte : si ces remarques sont faites dans un contexte qui n’est ni amoureux, ni romantique, ni de drague mutuelle, il ne faut pas hésiter à faire comprendre très franchement à son interlocuteur que ça ne passe pas DU TOUT : un « de quoi je me mêle ? » ou autre « tu me mets mal à l’aise » feront très bien l’affaire.

 

Puisque ces mots sont souvent employés dans un contexte type « blague salace », il est important de ne pas rire, et de briser le lien de complicité avec celui qui les prononce : « Libérons-nous des rires polis, assumons les silences gênants ». Ce n’est pas à vous de rire de quelque chose de violent pour que les autres soient à l’aise. La honte doit changer de camp.

 

Enfin, si vous entendez ces mots dans un contexte de drague, ou dans la bouche d’une personne qui vous plaît et avec qui vous aimeriez vivre quelque chose, le conseil de Kiyémis est le suivant : soyez vigilant·e, et apprenez à poser des limites. Faire remarquer à une personne qui nous attire que ce qu’elle vient de dire est violent, ce n’est pas casser l’ambiance. Ce n’est pas « faire chier pour rien ». C’est poser les bases d’une relation saine, où le respect est mutuel. Et puis, si vous avez simplement envie de vous casser parce que c’est peine perdue : cassez-vous.