Depuis toujours, on apprend aux filles et aux femmes à penser aux autres avant tout, à ne pas déranger, à être douces, calmes, silencieuses, réservées. Résultat : on s’excuse en permanence d’être là, de respirer dans l’espace public, de prendre la parole, voire pire, de demander quoi que ce soit, aka d’avoir des envies. Si la femme a des envies, ça doit être de combler celles des autres, voire au max de donner des enfants à la société (et pas quand elle le décide, ça serait trop facile).

 

La faim dont parle Laurie Penny, c’est cette envie, cet appétit interdit aux femmes. Mais c’est aussi la faim primaire, l’envie de manger, considérée comme vulgaire dans une société qui contrôle fermement leur corps, leur poids, leur “beauté”.

Comme poursuit la journaliste britannique dans son livre : “Nous n’avons pas besoin de nourriture : à bien des égards, nous sommes la nourriture, de la viande qu’on peut formater, des agneaux faisant la queue pour acheter de la sauce à la menthe. Nous ne consommons que ce qu’on nous dit, du rouge à lèvres à l’assurance-vie, et seulement ce qui nous rendra plus consommables nous-mêmes, plus facile à être mâchées et avalées par une machine qui décompose notre travail, notre argent, notre sexualité en petites bouchées.

 

La machine, of course, c’est le patriarcat, qui envoie les femmes dans le broyeur à saucisse - aka les tabous, les lois inégalitaires, les violences - et qui les assaisonne de complexes et de matraquage marketing pour leur vendre des produits censés résoudre ces complexes qu’il a lui-même inventé, dans le but de briser leur confiance en elles et de les transformer en produits alléchants pour le mâle qui, lui par contre, puise sa virilité dans sa faim insatiable.

 

Une condamnation de la faim des femmes donc #grossevache, mais aussi de leur ambition #promotioncanapé, de leur désir sexuel #pute, de leurs réclamations égalitaires #feminazi, de leur intérêt intellectuel #madamejesaistout… Une condamnation permanente de toute envie, qui crée un sentiment d’illégitimité dans le travail (syndrome de l’imposture, difficultés à demander une augmentation), qui alimente la culture du viol (les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent, il faut les forcer un peu), et bien sûr les troubles du comportement alimentaire, entre autres joyeusetés.

AAlors si vous ne deviez retenir qu'une chose : ne vous excusez plus. Ne calculez plus si vous “avez le droit” de manger ce qui vous plaît au resto sous prétexte que vous avez mangé la veille. Ne pensez pas que vous êtes trop exigeante ou que vous allez déranger votre boss parce que vous lui demandez un rdv pour discuter évolution et augment, c’est son travail et c’est votre droit. Ne cachez plus vos désirs sexuels, exprimez-les, exprimez-vous, parlez de ce qui vous plaît, n’envisagez même pas de faire ce qui ne vous plaît pas pour le plaisir de l’autre (si cette personne s’en blk que vous vous forciez tant qu’elle kiffe, c’est next anyway).

 

Prenez de la place, parlez fort, allez là où vous voulez aller, demandez-vous ce qui vous ferait plaisir aujourd’hui, faites-vous des cadeaux, demandez plus, demandez mieux. Ne confondez plus restreinte avec polie. Et si vous avez faim ? Ça veut dire que vous êtes en vie. Alors réjouissez-vous, et nourrissez-vous de tout. Ne vous affamez pas : soyez affamées de tout.

 

 

Bibliographie

 

Unspeakable Things, de Laurie Penny

À lire aussi : Faiminisme, de Nora Bouazzouni