C’est quoi les bails avec les clubs de randonnée ?
Ça use, ça useeuh
Dans la catégorie “trends sympas qu’on n’attendait pas”, la randonnée a conquis les cœurs en 2022. Loin d’être éphémère, l’engouement pour ce sport en plein air concentre une tonne d’enjeux sociaux autour de la liberté dans l’espace public, de la thune et de l’écologie. On a 3 minutes pour vous donner envie de vous y mettre.
Si vous êtes attentif·ves en scrollant votre feed Insta, vous remarquerez un nombre croissant d’internautes béat·es devant des paysages blindés de verdure, baskets au pieds et bâtons en main. Avec 76 millions de hashtags, la randonnée pique la place du yoga comme sport le plus instagrammable de 2022. Rien d’étonnant : la population mondiale sort d’un an et demi de confinements qui nous ont laissé une légère allergie à l’enfermement. Ajoutons à ça une éco-anxiété montante et la conscience douloureuse que nos espaces naturels se détériorent, et on a plus que jamais envie de s’y reconnecter.
Au-delà de l’écologie, l’exercice a pris une dimension clairement sociétale, notamment via ses clubs. Déjà appréciés pour leur vibe communauté et partage - bien envie de rejoindre la team JAHJAH pour une balade à Fontainebleau -, plein de nouveaux clubs sont créés par et pour des personnes victimes de racisme, de sexisme, d’islamophobie… Le double objectif : prendre soin de soi tout en étant entouré·e de gens qui nous comprennent, et se réapproprier un espace, public en théorie, mais trop souvent refusé aux minorités.
La forêt pour toustes
BrownGirlsHike, JAHIKING… En France comme à l’international, on voit de plus en plus de clubs gérés par des personnes racisées qui affirment leur légitimité à pratiquer des sports en pleine nature. Initiatives hyper utiles, parce que la randonnée, c’est encore considéré comme un truc de blanc. Pour vérifier ce cliché, rien de plus simple : tapez “randonneur” dans Google Images, la première page de résultats sera composée à 95% de mecs blancs, parfois accompagnés de leur femme - on a aussi checké “randonneuse”, qui askip représente plus un type de bicyclette qu’une femme en trek…
Les clubs en non mixité permettent aux personnes racisées de se réapproprier un extérieur qui leur est hostile, entre agressions individuelles et institutionnelles (poke les violences policières). C’est d’ailleurs à force de se coltiner des sales regards de la part de randonneur·euses blancs que la créatrice Evelynn Escobar a décidé de fonder Hike Clerb, un groupe de randonnée intersectionnel qui cartonne à Los Angeles.
Autre minorité évidemment avide de se promener tranquille : les femmes. Connaissant l’ampleur du harcèlement de rue, les environnement urbains ne sont pas les plus fun. Mais la marche en pleine nature est une voie d’émancipation depuis des siècles, déjà à l’époque où Jane Austen faisait se balader ses héroïnes saoûlées par un mec un peu trop snob #payetonrésumé. Battre librement le pavé la mousse est une vraie catharsis : loin du male gaze et du harcèlement de rue, on profite de ses sensations sans être en hypervigilance.
La démarche est couronnée d’intersectionnalité avec des initiatives comme Feminist Hiking Collective ou The Wanderlust Women, un groupe de potes musulmanes qui atomisent les préjugés - “les femmes musulmanes/voilées sont repliées sur elles-mêmes” - en allant explorer des paysages plus frais les uns que les autres.
Last but not least, la rando peut coûter zéro centime, qualité non négligeable en période d’inflation. Pour peu que vous ayez déjà des baskets et une région sympa sur les titres de transports, la forêt est à votre portée sans stresser sur l'état de votre compte en banque. Tous les lieux de randonnée ne sont pas cheap - genre si vous crapahutez sur les flancs du Piton de la Fournaise -, mais techniquement ça reste l’un des sports les plus accessibles peu importe notre classe sociale.
Du vrai self care
Dans notre monde ultra-productiviste, prendre le temps de se casser en forêt et de savourer un moment de répis - surtout si on est discriminé·e au quotidien - est un acte éminemment politique. Les loisirs comme la randonnée sont surtout perçus comme le monopole des plus privilégié·es, donc c’est un vrai kiff de voir plus de monde en profiter et se faire du bien. C’est aussi l’occas’ de renforcer nos liens avec la nature, savourer ses bienfaits et prendre conscience de son importance. Si on est 30 millions à s’y mettre, y’a moyen que ça fasse bouger la conscience écologique française.
Et ça ne concerne pas que les amateur·es : fin mai, la première cordée composée à 100% d’hommes noirs a escaladé le Mont Everest, symbolisant la - trop lente - démocratisation des espaces naturels pour les minorités. On espère que ça sera bientôt la norme. Et en attendant, on tient notre programme du week-end.
Claire Roussel