Grace Ly est blogueuse, réalisatrice, podcasteuse, autrice. Avec son blog, sa web-série et son roman, Jeune Fille Modèle, elle lutte contre les clichés dont souffrent les Asiatiques en France et ouvre le débat sur le racisme ordinaire.

 

Tu tiens depuis 7 ans un blog qui s’appelle La Petite Banane, sur lequel tu parles de « food, mais pas que ». Peux-tu nous en dire quelques mots ?
J’ai toujours voulu écrire, donc j’ai commencé avec un blog, car c’était le plus accessible. La Petite Banane, c’était le petit nom que me donnait ma mère quand j’étais enfant. Elle m’appelait comme ça parce qu’à ses yeux, j’étais « jaune à l’extérieur, blanche à l’intérieur », car née en France. C’était l’occasion de prendre ma revanche sur ce surnom et cette double culture qui m’a longtemps échappée. On me disait que j’avais beaucoup de chance d’avoir deux cultures, mais en même temps, tout ce que j’entendais sur les Asiatiques, c’était des choses très négatives : « Vous, les Chinois, vous mangez des trucs bizarres… Votre langue, on dirait tching tchang tchong... ». Grâce à l’écriture et au blog, j’ai compris que c’était beaucoup de bêtises racistes. Et le message que j’ai envie de porter aujourd’hui, c’est que je suis comme tout le monde : oui je suis enfant d’immigrés, j’ai deux cultures et ce sont en effet des richesses.
 


 

C’est aussi ce que tu voulais prouver avec ta web-série, Ça reste entre nous ?
J’ai créé Ça reste entre nous en 2016, parce que j’avais envie de voir des gens qui me ressemblent sur des écrans. Quand on est Asiatique et qu’on est Français, on n’est pas représenté sur les écrans. Donc fatalement, on se sent moins digne d’intérêt que les autres. On a lancé cette websérie avec des copines parce qu’on voulait montrer que nos histoires sont aussi légitimes que celles des autres. D’ailleurs, beaucoup de personnes se sont retrouvées dans nos témoignages. On a lancé la deuxième saison qu’on a tournée grâce à un crowdfunding !


Tu as publié fin 2018 ton premier roman, Jeune Fille Modèle. C’était une envie de toujours d’écrire un livre ? 
Oui. J’ai toujours eu envie d’écrire un livre dont je serais l’héroïne, ou en tout cas dont le personnage principal aurait les mêmes traits de visage que moi. C’est pour ça que j’ai écrit Jeune Fille Modèle. Quand le livre est sorti, j’ai reçu beaucoup d’amour de personnes qui m’ont dit s’être reconnues dans le parcours de cette jeune femme, qu’eux aussi avaient manqué d’une héroïne qui leur ressemblait. C’est vraiment le livre que j’aurais aimé lire quand j’étais petite.

Les personnes des communautés asiatiques sont souvent victimes de stéréotypes dits “positifs”. Qu’est ce que ça veut dire ?
Ce sont des stéréotypes hérités du passé et qui sont censés nous décrire. Par exemple que les enfants asiatiques sont tous sages. Que les femmes sont toutes douces et soumises… On dit aussi souvent que les asiatiques sont travailleurs, discrets. Et ce sont censés être des choses “positives”. Oui, c’est vrai que mes parents ont travaillé dur, ils étaient discrets, mais pas parce qu’ils étaient Asiatiques, plutôt parce qu’ils étaient immigrés et qu’ils avaient besoin de mettre les bouchées doubles pour assurer un avenir à leur famille. Ce n’est pas une question de gènes, mais une question de classe. Toutes ces idées, qu’on perpétue, c’est pour classer les gens. C’est la définition même du racisme : des préjugés qui non seulement sont faux, mais en plus affectent la vie des gens, leur capacité à trouver un travail, un logement… En fait, les stéréotypes, qu’ils soient positifs ou négatifs, enferment les gens.

Quels sont tes projets pour cette année ?
Je travaille sur un projet de bande dessinée pour la jeunesse et je planche sur mon deuxième roman.

Si tu pouvais donner un conseil à celle que tu étais à 18 ans ? 
N’aie pas peur d’être imparfaite. De toute façon, tu l’es. Ne perds pas de temps à camoufler tes imperfections. De toute façon, elles se verront. Fais-en au contraire tes forces et fonce.

Selon toi, la chance, c’est plutôt quelque chose qui se crée ou quelque chose qui te tombe dessus sans prévenir ?
Je crois beaucoup à la chance, à la magie de la vie. Mais je pense que la chance vient après que tu aies réussi à croire en toi.