Israël-Palestine : 5 questions pour comprendre, s’informer, discuter et agir
Parce qu’on est à la fois concerné.es et submergé.es
Il se passe quoi exactement ?
On commence par un récap actu pour les retardataires. Le 7 octobre, le Hamas, mouvement islamiste palestinien qui contrôle la bande de Gaza, a mené une série d’attentats en Israël. Ces attaques visant majoritairement des civil·es israélien·nes ont fait 1 400 mort·es. C’est le plus grand massacre de juif.ves depuis la Shoah, et on vous passe les détails des tortures, viols et mutilations que vous pouvez lire ailleurs si vous avez le cœur bien accroché. Le Hamas a aussi fait plus de 200 otages, actuellement détenu.es dans la bande de Gaza, dont beaucoup d’étranger·es, à double nationalité et une vingtaine d’enfants.
Le gouvernement d’extrême-droite israélien a annoncé son intention d’« écraser » le Hamas. La bande Gaza a été immédiatement assiégée : l’eau, l’électricité, le gaz, et les aides humanitaires (dont dépendent une grande partie des Gazaoui.es) ont été coupés. Dans cette enclave palestinienne de 365 km2 délimitée par un mur, que l’on qualifie souvent de « prison à ciel ouvert », vivent 2,2 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants. C’est l’une des zones les plus densément peuplées de la planète. L’armée israélienne a ordonné à 1,1 million d’habitants d’évacuer vers le sud de la bande de Gaza (on rappelle que les Gazaoui.es ne peuvent pas quitter l’enclave) avant de procéder à des bombardements censés être ciblés sur des membres du Hamas, mais qui auraient déjà fait 5 087 victimes, dont 2 055 enfants.
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Des Gazaoui.es caché.es sous l’escalier de leur maison après le bombardement d’une mosquée par des avions israéliens. Photo : Samar Abu Elouf
Et maintenant ?
Les habitant.es de la bande de Gaza sont exposé.es à une gigantesque crise humanitaire. Manque de vivres, de matériel médical, d’infrastructures pour les déplacé.es, hôpitaux détruits, pénurie d’anesthésiant pour les chirurgies d’urgence… La situation devenait insoutenable lorsque le samedi 21 octobre, les premiers convois d’aide humanitaire ont enfin pu passer la frontière. Certain.es Gazaoui.es refusent de partir, quitte à rester sous les bombes, dans un acte de résistance et le refus d’une deuxième Nakba (l’exil forcé des Palestinien.es en 1948). C’est ce que raconte Ziad Medoukh, prof de français à Gaza, à Mediapart : « Je préfère mourir debout chez moi ».
Plus de 200 Israélien·nes et étrangèr·es sont toujours retenu·es dans la bande de Gaza, malgré la libération de quatre otages après négociations. La colère gronde chez une partie des Israélien.nes déjà bien remontée contre un gouvernement fascisant, qui accuse Benyamin Netanyahou d’abandonner les otages, et d’avoir empêché toute possibilité d’un processus de paix durant ses 15 ans à la tête du pays.
Enfin, l’Iran pourrait avoir participé à la planification des attaques du Hamas et menace Israël de répondre militairement à une invasion de Gaza. D’autres réactions du Hezbollah libanais, du Yémen, de la Russie et de la Chine laissent entrevoir un jeu d’alliances qui pourrait transformer tout ça en conflit international. Autant dire que si vous n’avez pas suivi l'actu, on vous conseille d’y jeter un œil illico.
Pourquoi ça nous concerne ?
La France a assuré son soutien au gouvernement israélien sans le conditionner à un cessez-le-feu sur Gaza. Emmanuel Macron se rend cette semaine en Israël afin de « négocier une trêve humanitaire », mais le gouvernement soutient le droit d’Israël à « se défendre », tandis que les observateurs internationaux dont l’ONU alertent sur le risque de nettoyage ethnique des Palestinien.nes. Le vocabulaire déshumanisant employé par le gouvernement israélien qui parle d’éradiquer « le mal » et qualifie ses cibles d’« animaux humains », pourrait constituer l’une des conditions à ces qualifications en droit international. Depuis Gaza parviennent des voix palestiniennes comme celle d’Ayman, qui raconte son calvaire à Mediapart : « Plus aucun lieu n’est sûr ici, c’est terminé ».
On est aussi concerné.es parce qu’on sait que depuis 2000, l’actualité israélo-palestinienne donne lieu à un déversement de haine antisémite en France. Comme le note Jonas Pardo, formateur contre l’antisémitisme : « Quand Israël attaque Gaza, des restaurants cashers sont saccagés, quand le Hamas lance des roquettes, des juifs se font casser la gueule ». Dès le lendemain des massacres du Hamas, on découvrait à Carcassonne, un tag : « Tuer les juifs est un devoir ». Une semaine après, une centaine d’actes antisémites avaient été recensés en France, et ce chiffre continue de grimper dans toute l’Europe. Les actes racistes et islamophobes sont parallèlement en augmentation. Un jeune garçon palestino-américain a été poignardé à mort près de Chicago, le 14 octobre dernier.
Beaucoup de Français.ses ont des racines, de la famille ou des ami.es en Israël et à Gaza. 30 Français·es ont été tué.es dans les attaques du Hamas, 7 sont encore porté.es disparu.es et on ignore encore combien se trouvent parmi les otages. Qu’iels soient israélien·nes ou palestinien·nes, on peut avoir des proches endeuillé·es, inquiet·es, déplacé·es, blessé·es, injoignables ou sur le front. Face aux attentats, à l’antisémitisme, à la déshumanisation et au massacre d’une population sous nos yeux, on peut se sentir concerné.e en tant que franco-palestinien.nes et juif.ves de France, mais aussi en tant que descendant.e de réfugié.es, de colonisé.es et de rescapé·es de la Shoah.
Comment en parler ?
Vous avez peut-être remarqué que le dialogue est incroyablement verrouillé, qu’on a vite la sensation de se retrouver face à deux camps, et que toute nuance semble être une trahison envers l’un ou l’autre. Pourtant, le dialogue est plus nécessaire que jamais. Alors comment on fait pour se parler ?
Si on est concerné.e, on trouve sa communauté, sa famille, peu importe à quoi elle ressemble. On verbalise notre choc et notre anxiété. On accepte que la douleur, la peur et la colère qu’on ressent n’est pas uniquement celle du présent mais aussi celle de nos familles et de nos ancêtres. On prend la parole si on le souhaite et si on le peut. On éduque seulement si on en a l’énergie.
Si on n’est pas concerné.e, on prend des nouvelles de nos potes concerné.es, musulman·es, arabes, descendant.es de palestinien·nes, et celleux qui se sentent lié.es à la Palestine par leur histoire familiale. On prend conscience qu’iels peuvent ressentir un décalage immense avec leur entourage et une grande injustice face au traitement médiatique réservé aux Palestinien.nes. On s’enquiert de la santé mentale de nos potes juif.ves qui peuvent avoir besoin qu’on « respecte leur deuil sans parler géopolitique », qui ont peur dans la rue et chez elleux, qui se sentent trahi.es par une gauche qui n’a pas pris à bras le corps la question de l’antisémitisme et furax contre une droite et une extrême droite qui instrumentalisent leur détresse. On vous rappelle au passage que les juif.ves ne sont pas responsables des actions du gouvernement d’Israël et n’ont pas à le justifier, pas plus que les musulman·nes n’ont à répondre des actes du Hamas.
On s’écoute. La question israélo-palestinienne s’articule avec nos questions bien françaises d’identité, de mémoire, de colonisation, d’antisémitisme et d’islamophobie. C’est archi-complexe et archi-sensible, alors on privilégie le dialogue et on tolère les différentes perspectives, à moins qu’elles soient racistes, islamophobes ou antisémites, auquel cas on se lève et on se casse (ou bien on hurle, ça dépend de votre taux d’énergie).
On accepte la nuance. Par exemple : on peut soutenir le légitime combat des Palestinien.nes pour leurs droits et condamner les attentats du Hamas. On peut condamner les actions du gouvernement israélien et ne pas réduire tous les citoyen·nes de ce pays à des colons. On peut être juif.ve, endeuillé.e, et refuser le massacre des Gazaoui.es.
On se tait. Les événements auxquels on assiste aujourd’hui sont les conséquences de décennies d’Histoire, d’échecs diplomatiques et politiques, de cycles infernaux de violence, d’oppression et de colonisation. Honnêtement si vous êtes largué.es, mieux vaut le reconnaître et prendre cette opportunité pour vous éduquer.
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Les militant.es juif.ves américain.es de If Not Now demandent le cessez-le-feu à Gaza devant le Capitole, le 19 octobre 2023
Concrètement, on fait quoi ?
On s’informe. La question israélo-palestinienne est instrumentalisée de tous les côtés, alors on n’oublie pas de croiser les sources pour se faire un avis INFORMÉ et ÉQUILIBRÉ. Par exemple, on peut follow des journalistes gazaouies qui sont sur le terrain, comme @wizard_bisan1 et Plestia Alaqad, et aussi la juriste franco-palestinienne Rima Hassan. On peut lire cette Israélienne de 19 ans, rescapée des attentats du 7 octobre qui appelle à la paix. On peut se poser 20 minutes devant cette vidéo d’Histoires Crépues sur la question coloniale et écouter le podcast Qui a peur des juifs ? sur l’antisémitisme contemporain.
On se mobilise. Des rassemblements ont lieu partout en France pour soutenir les Palestinien.nes et demander un cessez-le-feu. On ne tolère aucun discours antisémite et on prend soin de nos potes juif.ves s’iels viennent dans les rassemblements. On peut aussi faire pression sur notre gouvernement et nos député.es, via des courriers et les réseaux sociaux. On demande le retour des otages, et l’appui de la France dans un processus de paix durable. En attendant, on peut aussi soutenir les organisations humanitaires qui interviennent à Gaza. Et surtout, quoi qu’il arrive, on ne ferme pas les yeux, et on ne déshumanise aucune des victimes.
Pour faire des dons, il existe plusieurs cagnottes qui circulent sur les réseaux. On vous invite à faire bien attention aux organisations et organisateur·ices derrière ces collectes de fonds. Malheureusement, plusieurs arnaques ont déjà été révélées, et il est nécessaire d’être le plus vigilant·e possible. Nous, on a choisi de faire confiance à l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) dont vous avez dû voir la collecte circuler sur Instagram notamment. Vous pouvez faire vos dons ici.
Clémentine Spiler