Les violences, au-delà des bavures

 

De nombreux collectifs et syndicats de la police se sont levés pour défendre leur collègue. Le drame de Nanterre est un cas assez rare car très documenté. il existe (notamment grâce au travail des collectifs) de plus en plus de sensibilisation aux réflexes à avoir en tant que témoins et la mort de Nahel en est une preuve. La vidéo est sans équivoque et permet de comprendre assez rapidement ce qu’il s’est déroulé ce matin-là.

 

Dénonçant une diabolisation de la police, les syndicats concernés évoquent souvent des bavures policières ou de malheureux « accidents » isolés. Un discours difficile à avaler quand on apprend que la France est le pays d’Europe où la police a le plus tué de personnes ces 20 dernières années (proportionnellement au nombre d’habitant·es). Au pays des Droits de l’Homme, de nombreux hommes (en majorité racisés et pauvres) sont morts au détour d’une intervention de police. Prêtes à dégainer de plus en plus rapidement (10 personnes décédées suite à une intervention en 2010, 52 en 2021), les forces de l’ordre, dans un climat social de plus en plus tendu, sont coupables de tragédies comme celle de Nahel.

 

Des cas malheureusement aussi célèbres qu’essentiels pour comprendre l’évolution des violences policières en France. Il y a, bien sûr, Adama Traoré, le jeune homme de 24 ans mort en 2016, suite à une interpellation par 3 policiers à Beaumont-sur-Oise et dont la mort a provoqué une vague de mobilisations dans tout le pays. Cédric Chouviat, 43 ans et père de famille, est également victime d’une interpellation violente en 2020 dans des conditions étranges. Amadou Koumé a 33 ans en 2015 quand il subit deux clés d’étranglement de la part de la police. Il en meurt et les policiers responsables sont jugés en 2021 et écopent de 15 mois de sursis. Amine Bentounsi, 29 ans, meurt en 2012 d’une balle dans le dos tirée par un policier qui le poursuivait. Ce policier, jugé coupable, devient délégué syndical en 2020.

 

L’histoire des violences policières en France est liée au contexte politique d’un ancien pays colonialiste et extrêmement divisé. Selon Emmanuel Blanchard, historien, l’institution policière pourrait être considérée « comme étant par essence coloniale ». Malheureusement, malgré l’action des collectifs et la mobilisation nationale pour lutter contre ces dérives, elles ne semblent pas se réduire, au contraire. Alors, quand on apprend qu’un nouveau jeune homme, de classe populaire, encore plus jeune que les précédents est décédé des suites d’une intervention, on se sent un peu démuni·e. Que peut-on faire, soi-même, face aux violences policières ?

Que peut-on faire si on est directement concerné·e

 

Il se peut que vous vous sentiez en totale dissociation avec ce qui est en train d’arriver. Si des membres de votre famille ou vous-même avez été concerné·e par des violences policières ou ce que vous pensez être des violences policières, n’oubliez pas ces quelques règles s’accrocher à des points concrets peut aider, bien qu’évidemment, il n’y a pas de solution directe.

 

[On s’appuie notamment sur des écrits des associations Romeurope, Amnesty International et Enabel (agence de développement belge).]

 

▶ Malheureusement, lors d’un contrôle, il faut toujours s’attendre à tout. Gardons en tête que chaque mouvement peut être interprété et qu’il vaut mieux, malgré la tension ambiante et le sentiment d’humiliation, garder la tête froide car il y a trop d’enjeux.

 

▶ Important pour toustes, mais d’autant plus si on est racisé·es ou qu’on évolue dans des zones populaires, on se doit de connaître ses droits. Ce guide du collectif CADECOL édité en 2016 est une super base de ressources et d’information. Pour aller droit au but, il y a UVP.

 

▶ Connaître et contacter des collectifs. Si vous êtes en mesure d’en parler, n’hésitez pas à vous tourner vers des personnes rodées au système légal et judiciaire qui pourront vous donner les meilleurs conseils. L’union fait la force et le soutien d’un collectif peut également être un moteur pour vous. L’implantation locale de ces collectifs devrait vous permettre de trouver votre endroit.

 

▶ Informez-vous et discutez-en dans vos cercles proches. C’est en parlant et en échangeant aussi qu’on peut arriver à comprendre les dynamiques dont nous sommes victimes et aider les autres à les comprendre. Surtout n’oubliez pas de prendre soin de vous, que quoiqu’il arrive vos sentiments sont légitimes et doivent être entendus.

Que peut-on faire pour soutenir les personnes concerné·es

 

Ces outils peuvent être mobilisés par toutes les personnes le désirant. Il nous semble cependant important de bien souligner l’écart en termes de charge mentale et émotionnelle entre les personnes concernées et celles qui les soutiennent. Si vous n’êtes pas mis·e en danger par un simple contrôle de police, alors c’est aussi de votre devoir d’aider à protéger vos ami·es en prenant soin d’elleux.

 

▶ Si vous sentez qu’un contrôle ou une interpellation dont vous êtes témoin est particulièrement tendue, tentez de ne pas accroître la tension. À ce moment-là, le plus important est la sécurité de toutes les personnes réunies et il vaut mieux ne pas mettre cet équilibre en danger.

 

▶ Si possible, toujours en suivant le premier conseil, tentez de récupérer le plus d’informations possible sur ce qui est en train de se passer. Les descriptions des gens autour de vous, du lieu, de l’heure qu’il est. Vous pouvez également demander à un·e policier·e de vous donner son identité, iel est tenu·e de le faire.

 

▶ Après l’interpellation ou le contrôle, si il y a eu violences, tournez-vous au plus vite vers les collectifs concernés, les journalistes demandés et l’IGPN. Chaque cas est différent mais les associations sur le terrain sauront vous aiguiller dans la meilleure direction.

 

▶ Donner de l’argent. Il est incontournable, pour que les collectifs et associations de familles de victimes puissent poursuivre leur travail, sensibiliser, informer et continuer à accompagner d’autres personnes qu’iels aient des fonds. S’il est possible pour vous de faire des dons, n’hésitez pas, ils sont essentiels.

 

▶ En cas de rassemblements, marches ou manifestations mixtes, vous pouvez, en restant respectueux, porter votre soutien aux familles. Ce sont des espaces d’échanges, de témoignages et de solidarité très importants qui permettent à toustes de travailler ensemble dans une même direction.

 

 

Le plus important est de bien s’informer et se renseigner sur ces enjeux qui vont au-delà de bavures isolées et incontrôlées. Voici quelques ressources-clés non-exhaustives qui pourront vous mettre sur la voie :

 

✦ Le podcast Kiffe ta race : Police, violence, une histoire commune de Rokhaya Diallo et Grace Ly.

 

✦ Le podcast L’heure du Monde : Violences policières - une histoire du maintien de l’ordre « à la française » du Monde

 

✦ Le livre La race tue deux fois de Rachida Brahim

 

✦ Le livre Que fait la police de Paul Rocher