La Weird Girl est l’incarnation ultime du mood 2022
Entre overdose de trends et fck au male gaze
2022 et sa passion pour le chaos ont encore frappé : on a le plaisir de vous présenter la dernière manifestation mode de notre monde qui part en cacahuète, aka la tendance weird girl. Un mélange improbable de coupes, matières et motifs complètement différents dont l’association contre-intuitive peut être aussi épatante que catastrophique. Loin d’être une coïncidence, ce phénomène capte avec justesse les dynamiques économiques, sociales et esthétiques de notre époque.
ÇA VA DANS TOUS LES SENS
Tendance la plus bordélique de 2022, la weird girl se définit par une superposition de vêtements et de styles qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Donc pas de panique si vous apercevez un combo doudoune-robe-en-dentelle-Crocs, c’est fashion. Vous avez du mal à capter l’idée ? Pensez aux tenues inclassables affichées ces derniers mois par la mannequin Bella Hadid, l’ambassadrice 2022 de cette esthétique.
Mais ce style déjanté remonte à beaucoup plus loin : il est originaire du quartier Harajuku à Tokyo, où il a émergé dès les années 80, jusqu’à devenir bien populaire dans les années 90/00’ grâce au magazine pop Fruits. Ça expliquerait en partie son comeback, avec l'obsession de la mode pour les années 2000 depuis la pandémie. Et dans sa version remasterisée en weird girl - en plus de nous donner assez d’inspi’ pour nous fringuer jusqu’à notre retraite - c’est l'occasion de faire le point sur la façon dont on consomme la mode à notre époque.
VERS UNE SATURATION DES TENDANCES ?
Dans les périodes qui suivent les crises sociales ou sanitaires, la mode est réputée pour compenser la mauvaise ambiance par l’extravagance. Pas étonnant donc que les tendances maximalistes aient la côte, et que les gens se permettent d’expérimenter au max. Mais au-delà d’un fun post-pandémie bien mérité, l’existence de cette trend interroge sur le plan économique.
Parce que la weird girl est la compilation de toutes les micros tendances qu’on a vu passer cette année (cottagecore, Y2K, fairycore, knitwear experimental…), elle nous permet de voir à quel point notre cycle stylistique s’est accéléré, peut-être au point de la saturation.
Ça fait un bout de temps que l’industrie de la mode multiplie les collections, notamment poussée par la fast fashion - on vous rappelle que le géant Shein ajoute 300 000 nouveaux designs p a r j o u r sur son appli et que les maisons de luxe sortent une douzaine de collections par an. Ce rythme proche du délire et la confusion esthétique qui en résulte est incarné par la weird girl et son accumulation de fringues. De là à dire que sa résurgence est une énième incitation capitaliste à surconsommer la mode, il n’y a qu’un pas qu’on va joyeusement franchir.
Mais no stress, cette trend peut aussi être adoptée en mode éthique, notamment parce qu’elle fait appel à des vibes vintage. Pour les shopper, il suffit d’aller en fripe (checkez ici nos conseils pour un chinage réussi) ou encore mieux, de ne rien consommer en ressuscitant les vêtements qu’on avait oubliés ces dernières années. En plus d’être écolo, cette approche amusante fait appel à notre créativité et permet de réaliser des combos qu’on n’aurait jamais imaginés. Un grand plongeon dans son placard, une petite compil’ robe-jean-babytee-gilet, et voici une weird girl 100% récup.
Y’A DU POTENTIEL FEMINISTE
Peu importe d’où viennent les pièces qui composent un outfit de weird girl, une chose est sûre : avec cette tendance, les filles se fringuent vraiment pour leur gueule. Elle ne fait clairement pas l’unanimité sur les réseaux sociaux, et ses adeptes s’en fichent.
D’ailleurs, elles sont peut-être aussi nombreuses parce que ce style permet d’explorer et de mixer des esthétiques qui n’ont rien à voir : preppy, gothique, fringues XXL ou mini jupes à faire pâlir un vieux réac… Quelle que soit la vibe affichée par une weird girl, elle va toujours à une extrémité (enfantine, sexy, improbable) qui déroute et perturbe les conventions sociales.
Ce jemenfoutisme du regard extérieur est notamment un gros fck au male gaze et aux injonctions sexistes, qui voudraient que les femmes prennent le moins d’espace possible tout en restant jolies et agréables à observer. Parce que cette trend célèbre des féminités qui sortent complètement des normes conventionnelles et qui n’ont qu’un but : faire kiffer celles qui l’adoptent. D’objet examiné, on passe à sujet qui mène ses expériences #ouhyeah.
@bellahadid
Et comme chaque manifestation de liberté féminine, la tendance perturbe le peuple. Ça s’entend rien qu’à son nom : weird = bizarre, qui s’éloigne de la norme, qu’on a du mal à catégoriser. Dans une société qui adore mettre les femmes dans des cases uni-dimensionnelles et réductrices, la weird girl met le bazar pour notre plus grande joie.
2022 BE LIKE
À l’image de ses esthétiques, cette tendance cristallise des enjeux sociaux qui vont dans tous les sens. Apogée post-crise de l’excentricité, signaux d’alerte sur l’économie et la surconsommation, évasion par le style et l’individualité, engouement pour le vintage, défi des conventions sociales et affirmations féministes…
Dans ce bazar, difficile de savoir s’il faut se réjouir ou s'inquiéter de sa popularité. Ce qui est, finalement, vachement aligné avec la vibe chaotique de l’année 2022. Mais c’est justement ce qui fait le charme de la tendance weird girl : selon comment on l’approche, on en fait ce qu’on veut.
Claire Roussel