La levrette : toute une histoire

 

Petit point chiffres / sociologie du cul pour commencer : askip, la levrette ferait aujourd’hui partie du top 3 des positions préf’ des français·es hétéros (avec le missionnaire et l’andromaque). Reconnue comme un incontournable du cul à l’international (coucou le doggy style, comme on l’appelle, chez nos ami·es anglophones), la levrette est pratiquée depuis… Toujours en fait.

 

C’est justement ce que nous raconte Didier Dillen dans son étude - dans laquelle il se livre à une levrette story à travers les âges et les siècles. On y apprend, par exemple, que cette position fût la préférée des grecs et des romains (amphores gravées et autres œuvres d’art lubriques au possible à l’appui)... Pour finir par tomber sous le joug d’un “interdit” au Moyen-Âge côté chrétien - qui considère que le plaisir charnel est péché, et tout particulièrement par derrière (#coucoulhomophobielatente).

 

Chapitre suivant (pour aller très vite) ? Le XVIIIème siècle et son goût marqué pour l’anti-puritanisme, l’orgiaque et la provoc’ à tout va, donne à la levrette un regain de popularité - un mood que représente bien le Marquis de Sade et ses écrits qui puent le male gaze et la culture du viol x10000.

La suite, grosso modo, vous la connaissez : le combo entrée dans le XXème siècle, libération des moeurs sexuelles et démocratisation du porno à grande échelle (entre autres choses) nous amènent en plein 2022 où le mode doggy a le vent en poupe - (et tout particulièrement chez les millennials d’ailleurs).

 

Reste néanmoins qu’aujourd’hui encore, comme le rappelle l’auteur, cette position à tendance à être perçue comme dégradante… Enfin, seulement pour les femmes évidemment - vous connaissez la chanson.

 

 

Vanilla style versus doggy style

 

Le truc, c’est qu’historiquement, la levrette est associée à un imaginaire bestial - voire dévalorisant (genre “on le fait comme des bêtes”). Une appréciation liée au fait que les singes bonobos et les chimpanzés mis à part, nous sommes la seule espèce sur Terre à pouvoir ken par-devant (et qu’il s’agirait donc de se comporter mieux que nos ami·es à quatre pattes, pour le dire grossièrement).

 

Résultat ? On oppose assez facilement la position du missionnaire à celle de la levrette, en mode “fais-moi l’amour en me regardant dans les yeux” (#coeuràcoeur), versus “prends-moi comme si j’allais mourir demain” (#corpsàcorps). Pour le dire autrement : c’est la classique opposition du coït que l’on aurait dans un rapport amoureux de type vanilla sex, versus le coït bestial et déchaîné gorgé d’imaginaire porno.

D’ailleurs, l’auteur Didier Dillen, qui répertorie dans son livre les scènes de levrette les plus cultes du cinéma, nous donne à lire ce dialogue évocateur entre les deux personnages de En cloque, mode d’emploi - joués par Katherine Heigel et Seth Rogen :

 

Ben : Tu veux le faire en levrette ?

Alison : Tu ne vas tout de même pas me sauter comme un chien !

 

Vous voyez où l’on veut en venir ? Ces quelques lignes en disent long sur le système de domination (coucou le patriarcat) dans lequel nos sexualités sont prises. Ce qui implique, parfois, de ne pas se sentir assez à l’aise avec un partenaire pour pratiquer cette position avec lui. Ou d’avoir peur de passer pour celle qui se soumet.

 

Car l’enjeu est peut-être là : comment accepter, dans une société où les femmes qui vivent librement leur sexualité sont toujours aussi fréquemment slut-shamées à base de “sale chienne”... De prendre la pose de cette manière au pieu ? Bref, comment accepter / concilier ses fantasmes de domination (que ce soit en levrette ou autrement d’ailleurs) avec sa conscience politique ?

 

 

Le kif en confiance et en toutes circonstances

 

Mais le problème, soyons bien claires : ce n’est pas la levrette ni le fait que vous aimiez la pratiquer (ou pas, ou peut-être un jour, ou seulement les soirs de pleine lune).

 

Le problème, c’est cette société qui a trop longtemps répété aux femmes que le fait “d’aimer ça” faisait d’elles des salopes. Le problème, ce sont ces partenaires qui dupliquent dans leur sexualité (et les nôtres, du coup), les mêmes rapports de domination que ceux qui se jouent au taf où qu’ils ont spotté dans du porno mainstream - sans se remettre en question ou repenser leurs imaginaires sexuels.

Pourtant, tout ça peut se réinventer : en fabriquant de plus en plus de porno féministe, par exemple, comme on vous en parlait déjà ici. En vous souvenant que dans la sexualité, tout particulièrement, tout est OK si on est dans une relation de confiance.

 

Alors voilà. Que vous aimiez la levrette claquée, le sexe anal, le BDSM… Ou à l’inverse, que vous soyez asexuelle ou fana du missionnaire de temps en temps avec le même partenaire depuis 7 ans : ça vous regarde, un point c’est tout, tant que ça vous fait kiffer.

 

En fait, c’est un peu comme si vous vous demandiez si vous avez le droit de vous épiler alors que vous militez pour la libération du poil : on sait qu’il y a derrière ce combat une histoire de la domination des femmes… Mais militer pour nos libertés implique précisément de faire ce que l’on a envie de faire. Que ça implique de se payer des séances de laser ou de kiffer se prendre une petite fessée de temps en temps (quand on l’a demandée ou que la confiance établie dans la relation le permet, hein - on vous voit les vieux mecs pas déconstruits).

 

Bref : ce que l’on veut ? Du kif MAIS en confiance. Et en toutes circonstances.

 

 

Envie d’aller plus loin ?

 

Vous pouvez choper le livre de Didier Dillen, La fabuleuse histoire de la levrette - éditions La Musardine, L’Attrape-Corps, 18 €